Charlotte Polet de Faveaux (1835-1929)
Paul Rops (1858-1928)
Juliette Rops (1859-1865)
Claire Rops-Demolder (1871-1944)
1833
Naissance le 7 juillet, à Namur, de Félicien Joseph Victor Rops, fils unique de Nicolas Joseph Rops (1782-1849) et de Marie Sophie Maubille (1794-1872). Son père fait commerce d’indiennes, des tissus imprimés « aux couleurs de l’arc-en-ciel ». Il est passionné de floriculture et de musique.
1844
Après avoir suivi l’enseignement de précepteurs particuliers, Rops est inscrit chez les jésuites, au collège Notre-Dame de la Paix de Namur. Le jeune Félicien s’y distingue par ses aptitudes dans les matières littéraires et obtient le 1er prix en style épistolaire. En parallèle, il entre et participe activement à la vie de la Congrégation Notre-Dame des Anges jusqu’en 1849.
1849
À la mort de son père, en février, Félicien est placé sous l’autorité d’un tuteur, son cousin Alphonse Rops (1805-1870), échevin à Namur, qui ne comprend pas les aspirations artistiques du jeune homme.
Rops quitte le collège des jésuites pour poursuivre ses études dans l’enseignement laïque à l’Athénée de Namur.
À l’insu de son tuteur, il s’inscrit à l’Académie des Beaux-Arts de Namur où il suit l’enseignement du peintre de genre et paysagiste Ferdinand Marinus (1808-1890).
1851
Il s’inscrit à l’Université libre de Bruxelles pour une candidature en philosophie, préparatoire au droit, qu’il ne tarde pas à abandonner.
Rops y retrouve plusieurs de ses amis namurois, tels Victor Hallaux (1833-1896) et Ernest Scaron (1835-1923), mais noue également de nouvelles relations dont une, capitale, avec l’écrivain Charles De Coster (1827-1879).
Côtoyant la bohème estudiantine, il trouve rapidement sa place parmi l’un des cercles les plus actifs : la Société des Joyeux. Il en devient le dessinateur attitré et s’initie avec talent à la lithographie en publiant, sous les auspices de cette société, sa première œuvre : Le Diable au Salon.
1853
Rops fréquente l’Atelier libre Saint-Luc, rue aux Laines à Bruxelles, centre de ralliement d’une jeune génération d’artistes où s’échangent les idées d’avant-garde et mûrissent les ferments du réalisme. Il y rencontre Louis Artan (1837-1890), Charles De Groux (1825-1870), Louis Dubois (1830-1880), Constantin Meunier (1831-1905), futurs tenants du réalisme en Belgique.
Il rejoint la Société des Crocodiles qui édite la feuille satyrique Le Crocodile. Rops y exerce ses talents de caricaturiste sous le pseudonyme de « Jeune membre ».
1854
Rops atteint la majorité légale et obtient la jouissance de son héritage paternel.
1855
Le jeune artiste effectue probablement pour la première fois un séjour à Paris. Au Louvre, il est fortement impressionné par les peintures de l’école française.
1856
Il fonde avec Charles De Coster son propre hebdomadaire, L’Uylenspiegel, journal des ébats artistiques et littéraires (1856-1863). Il y publie des caricatures sociales ou celles de personnalités de son temps avant d’aborder le domaine du politique, que semblait initialement exclure le sous-titre du journal.
1857
Le 16 février, Rops épouse Charlotte Polet de Faveaux (1835-1929), fille d’un juge au tribunal de Namur.
En octobre, le journal français Le Rabelais fait paraître un article élogieux consacré à L’Uylenspiegel et à Rops lui-même. L’auteur en est le célèbre journaliste et écrivain français Alfred Delvau (1825-1867). Celui-ci écrit : « Félicien Rops est le Gavarni de la Belgique, – un Gavarni doublé d’un Daumier […]. Un double mérite qui vaut un double éloge(1). »
Delvau s’activera désormais à introduire le jeune artiste belge auprès des « gens qui comptent » à Paris.
1858
Pour l’éditeur Hetzel (1814-1886), à Paris, Rops réalise ses premières illustrations pour le roman les Légendes flamandes de son ami et complice à L’Uylenspiegel, Charles De Coster. Il amorce ainsi un virage important dans sa carrière en passant de l’illustration de journaux à l’illustration de livres.
Il exécute des œuvres aux thématiques politiquement engagées comme dans La Médaille de Waterloo et la lithographie éponyme.
Sa femme, Charlotte, lui donne un fils, Paul (1858-1928).
1859
Naissance de sa fille Juliette (1859-1865).
La famille se partage entre Namur et le château de Thozée, propriété des Polet de Faveaux, dans l’Entre-Sambre-et-Meuse, avant de se faire construire un hôtel de maître avenue Louise, à Bruxelles.
1862
Fasciné par la ville lumière, Rops effectue des séjours réguliers à Paris où il se lie avec des critiques d’art, des écrivains et des éditeurs.
À Namur, il fonde le Royal Club nautique de Sambre et Meuse dont il assume la présidence jusqu’en 1866 avant d’en être le vice-président jusqu’en 1869.
Il cesse de contribuer à L’Uylenspiegel.
1863
Rops réalise l’une de ses lithographies les plus célèbres : Un enterrement au pays wallon qui sera diffusée à Paris par l’éditeur Alfred Cadart (1828-1875). Chef-d’œuvre du réalisme et de la caricature, l’œuvre rappelle Un enterrement à Ornans de son aîné Gustave Courbet (1819-1877) avec lequel Rops avait collaboré, un an plus tôt, pour l’illustration de l’ouvrage Histoire anecdotique des cafés et cabarets de Parisd’Alfred Delvau. Par l’intermédiaire de ce dernier, il rencontre l’éditeur français Auguste Poulet-Malassis (1825-1878) qui s’attache à promouvoir la réintroduction de l’eau-forte dans le livre illustré. Leur collaboration sera fructueuse : trente-quatre frontispices verront le jour entre 1864 et 1870, essentiellement pour des ouvrages érotiques des XVIIIe et XIXe siècles.
1864
« Baudelaire est, je crois, l’homme dont je désire le plus vivement faire la connaissance, nous nous sommes rencontrés dans un amour étrange, l’amour de la forme cristallographique première : la passion du squelette(2) », avait écrit Rops à Auguste Poulet-Malassis. La rencontre a lieu en mai, à Namur, lors de l’exil de Charles Baudelaire (1821-1867) en Belgique. Elle sera essentielle dans l’œuvre du jeune artiste belge.
À Paris, Rops étudie la technique de l’eau-forte auprès de Félix Bracquemond (1833-1914) et Jules Jacquemart (1837-1880).
1866
Poulet-Malassis publie les Épaves, un recueil rassemblant les poèmes censurés des Fleurs du Mal. Rops en réalise le frontispice et conçoit, durant ces années, au sein de ce même « espace du rêve baudelairien », La Mort au bal, La Mort qui danse et autres Mors syphilitica.
À Paris, il rencontre Edmond (1822-1896) et Jules (1830-1870) de Goncourt, auxquels il dédiera l’année suivante sa Parisine d’après Manette Salomon, héroïne du roman des deux frères. Il s’immerge de plus en plus dans le milieu littéraire de Paris qui le captive. Il en deviendra en quelques années l’illustrateur le plus demandé.
1867
Rops illustre pour Charles De Coster un ouvrage phare de la littérature belge de langue française : La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et d’ailleurs.
1868
À Bruxelles, il participe activement à la fondation de la Société libre des Beaux-Arts dont il assume, entre 1870 et 1876, la vice-présidence. Ce groupement d’artistes ne défend pas une esthétique clairement définie mais a pour but de « réagir contre [l]e dogmatisme qui serait la négation de toute liberté, de tout progrès(3) ».
Apte à galvaniser les amitiés et les énergies, Félicien Rops entraîne vers son Namurois natal les jeunes artistes et écrivains qu’il fréquente dans les cercles d’avant-garde de la capitale. Il est en effet l’un des pivots de la Colonie d’Anseremme. Il y reviendra jusque dans les années 1880 afin de retrouver ses amis belges, s’adonner à la pratique de l’aviron et peindre, « sur le motif », de nombreuses vues de la vallée de la Meuse.
1869
Rops fonde, à Bruxelles, la Société internationale des Aquafortistes (1869-1871 et 1874-1877) qui a pour ambition de rénover l’eau-forte en Belgique et de créer une chalcographie.
Il accepte de donner des leçons de gravure au château de Thozée où il réside fréquemment avec sa famille. La suite des Pédagogiques, passionnantes du point de vue technique, naîtra de cette initiative.
Il rencontre à Paris deux jeunes sœurs modistes, Léontine (1847-1915) et Aurélie (1852-1924) Duluc.
Rops nouera de nombreuses liaisons amoureuses, mais seuls ses rapports avec ces deux femmes auront un caractère durable puisqu’elles resteront ses compagnes jusqu’à la fin de sa vie. Il réalisera pour leur maison de couture de nombreux croquis de mode.
1870
Au terme de la guerre franco-prussienne, Rops visite le champ de bataille de Sedan et noircit ses carnets de nombreux croquis. Il ambitionne d’en tirer un album et de monter une Exposition Félicien Rops. Croquis de Guerre 1870-71. Ces deux projets ne verront pas le jour.
1871
Léontine Duluc donne naissance à Claire (1871-1944), qui épousera l’écrivain belge Eugène Demolder (1862-1919) en 1895.
1873
Il débute la suite des quatre Dame au pantin (1873-1890) dans laquelle, peu à peu, il se tourne vers un art que l’on nommera bientôt… le symbolisme.
1874
Rops et Charlotte Polet de Faveaux se séparent suite aux nombreuses infidélités de l’artiste. Il demeure jusqu’à la fin de l’année à Bruxelles afin de s’occuper de la Société internationale des Aquafortistes.
En août, il voyage en Norvège et en Suède d’où il ramène de nombreuses pochades et esquisses.
1875
Rops part s’installer définitivement à Paris. La capitale française est une source d’inspiration inépuisable pour lui : l’effervescence des boulevards, l’ambiance nocturne, la prostitution, l’excès d’absinthe,… Captivé par « l’impression psychologique de son temps », Rops s’attache à peindre « ce qu’il sent avec ses nerfs et voit avec ses yeux(4) » des vices et des passions modernes. Fort de cette approche « réaliste » de la société, il composera entre 1875 et 1882 : Le Bouge à matelots, Le Gandin ivre, L’Attrapade, La Dèche, mais aussi une saisissante Buveuse d’absinthe dont il déclinera la fulgurance en plusieurs versions.
1876
L’éditeur parisien Alphonse Lemerre (1838-1912) fait appel à Rops pour l’illustration des œuvres complètes d’Alfred de Musset (1810-1857). Comme dans le cas de nombreux projets, la collaboration se soldera par un échec puisque, deux ans plus tard, Rops n’aura réalisé qu’un frontispice et une illustration sur les quarante attendues, qui ne seront finalement pas utilisées pour la publication.
1878
Année d’intense création artistique. Rops explore de nouvelles voies dans le domaine du dessin. Il travaille au Scandale et réalise deux de ses chefs-d’œuvre : La Tentation de Saint-Antoine et Pornocratès. À la peinture réaliste et psychologique des bas-fonds qui l’avait retenu jusque là, succède ainsi une vision allégorique et ironique de l’emprise du sexe sur la réalité humaine.
Rops entame pour un bibliophile parisien, Jules Noilly (18??-18??), la réalisation d’une série de cent quatorze dessins intitulée Les Cent Légers Croquis sans prétention pour réjouir les honnêtes gens (1878-1881). L’artiste y décline le fameux « demi-nu moderne » dont il est l’inventeur et y dénonce l’hypocrisie bourgeoise contemporaine.
Début de sa collaboration avec l’éditeur belge des naturalistes, Henry Kistemaeckers (1851-1934).
1879
Il se rend en Hongrie. Des notes de voyage qu’il aurait dû publier dans Le Figaro, il ne reste que des feuilles éparses avec textes et croquis : Les Ropsodies hongroises.
Le dessinateur et collectionneur Maurice Bonvoisin (1849-1912), dit Mars, publie le premier catalogue raisonné consacré à l’œuvre gravé de Rops.
1880
Il découvre l’Espagne d’où il ramène des vues de Tolède, de Séville, de Madrid, de Grenade…
1881
Il entame une collaboration avec la maison d’édition belge Gay et Doucé (1877-1882) pour laquelle il réalise, en un peu plus d’un an, douze frontispices d’inspiration « cythéréenne ».
Parution des Rimes de joie du poète et artiste belge Théodore Hannon (1851-1976) avec un frontispice et trois illustrations de Rops. La correspondance échangée entre les deux hommes documente l’élaboration du frontispice commandé par Hannon à l’artiste dès 1878.
1882
Rops compose la suite des Sataniques : cinq dessins aquarellés, préludes à la série de gravures avec texte de l’artiste que commentera Joris-Karl Huysmans (1848-1907) dans Certains (1889).
1884
Premier salon du groupe des XX, cercle artistique d’avant-garde qui pendant dix ans défrayera la chronique par la mise sur pied d’un salon annuel. Rops, considéré comme le chef de file de l’avant-garde belge, est invité à y participer.
Il acquiert la propriété de la Demi-Lune à Corbeil-Essonnes, en bords de Seine, aux portes de la forêt de Fontainebleau.
Durant l’été, Rops fait la connaissance du sculpteur Auguste Rodin (1840-1917).
Publication, à Paris, du Vice suprême de l’écrivain et occultiste français Joséphin Péladan (1858-1918) avec une préface de Jules Barbey d’Aurevilly (1808-1889) et un frontispice de Rops.
1886
Rops est nommé « vingtiste » lors du troisième salon du cercle des XX. Pornocratès y est dévoilée au public et fait scandale.
L’artiste exposera à nouveau aux cimaises du groupe en 1887, 1888, 1889 et 1893.
Publication, à Paris, de dix eaux-fortes pour illustrer Les Diaboliques de Jules Barbey d’Aurevilly.
1887
Il effectue un voyage aux États-Unis en compagnie des sœurs Duluc qui prospectent le marché américain pour leur maison de couture. Il se rend à New York, Baltimore, Chicago, Ottawa, Montréal, Québec,… Rops ne donnera aucune suite au projet de rédaction d’un guide intitulé Strange America, qu’il évoque pourtant abondamment dans la correspondance écrite lors de son périple.
Il réalise le frontispice La Grande Lyre pour les Poésies de Mallarmé.
Sous le pseudonyme d’érastène Ramiro, l’avocat et collectionneur Eugène Rodrigues (1853-1911) fait paraître un Catalogue descriptif et analytique de l’œuvre gravé de Félicien Rops. La correspondance échangée entre Rops et Rodrigues témoigne de l’étroite collaboration de l’artiste à cette publication, de même qu’aux autres catalogues que l’auteur lui consacrera.
1888
Paul Verlaine (1844-1896) lui demande de concevoir le frontispice de Parallèlement. Rops répond à la demande en réalisant La Sphinge qui ne sera finalement utilisée qu’en 1896 pour illustrer Chair, ouvrage paru après le décès du poète.
Rops dont la santé se fragilise, travaille de plus en plus dans l’atmosphère paisible de la Demi-Lune, sa propriété d’Essonnes près de Paris. Il y donne libre cours à sa passion pour la botanique et crée de nouvelles variétés de roses. La peinture lui apparaît comme un refuge.
Il fait la connaissance du marchand d’estampes et éditeur belge Edmond Deman (1857-1918).
Rops rencontre le graveur liégeois Armand Rassenfosse (1862-1934) avec qui il ne tarde pas à se lier d’amitié. Ensemble, ils mèneront d’intenses recherches techniques dans le domaine de la gravure qui aboutiront à la création d’un nouveau vernis mou, le « Ropsenfosse ».
Il effectue son dernier grand voyage et se rend en Afrique du Nord. Rops traverse l’Algérie, la Tunisie et le Sahara.
1889
L’artiste est fait chevalier de la Légion d’honneur.
1891
Érastène Ramiro publie L’Œuvre lithographié de Félicien Rops.
1892
Aurélie Duluc donne naissance au second fils de Rops, Jacques (1892-1892), mais l’enfant ne vivra que quelques heures.
En gravant, Rops est victime d’un accident de travail et se blesse en prenant du bichlorate de potassium dans l’œil.
1895
Parution du Supplément au Catalogue descriptif et analytique de l’œuvre gravé de Félicien Rops par Érastène Ramiro.
1896
Rops expose au troisième salon de la Libre Esthétique – cercle artistique qui succède au groupe des XX et dont la première exposition s’est tenue à Bruxelles en février 1894. Ses œuvres seront également présentées aux salons de la Libre Esthétique en 1897 et en 1899.
Parution à Paris d’un numéro spécial « Rops » de la revue La Plume avec des illustrations inédites et des textes signés par les critiques les plus illustres du temps. Ce numéro sera vendu à quelque 10 000 exemplaires en plus du service régulier aux abonnés. L’exposition rétrospective qui devait parallèlement être consacrée à l’artiste au Salon des Cent est annulée pour cause de divergences avec le directeur de la revue La Plume.
1898
Rops s’éteint le 23 août, dans sa propriété de la Demi-Lune, entouré de Léontine et Aurélie Duluc, de Claire et de ses amis les plus intimes.
Sources
(1) Léon Fuchs [pseudonyme d’Alfred Delvau], « Félicien Rops », Rabelais, Paris, 65 (samedi 17 octobre 1857), p. 5-6.
(2) Lettre de Félicien Rops à [Auguste] Poulet-Malassis, [Namur], s.d. − « Dix-huit lettres de Felicien Rops », Mercure de France, 01/10/1933, p. 48-50.
(3) « Notre Programme », L’Art libre, à partir du n°2 (1er janvier 1872-1erdécembre 1872).
(4) Lettre de Félicien Rops à [Auguste] Poulet-Malassis, s.l., 00/00/1866. − Maurice Kunel et Gustave Lefèbvre, Correspondance de Félicien Rops, Limal, s. éd., 1942, vol. VI, p. 130, exemplaire unique conservé aux Archives de l’Art Contemporain aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, inv. 8813.