Lettre de Félicien Rops à [Léon Evely]

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Dormez sur vos deux oreilles. Le Semeur est à vous, bien à vous, ne bougera pas de mon atelier, & dans deux jours vous sera rendu. Le Mr « Éditeur » m’a télégraphié qu’il ne pouvait venir que Lundipour décider la dimension en question.

Mardi j’expédierai votre semeur, non sous rouleaux parce qu’il serait très abîmé si un imbécile s’asseyait dessus dans l’ambulancerie des postes, ce qui est déja arrivé !!! – mais à plat. – Je l’ai collé légèrementpar les bords dans un faux passepartout.

–Il a un succès d’artiste énorme. Et franchement c’est un beau dessin. Je suis heureux que vous l’ayïez. voulez vous le vendre ? Il y a amateur pour prix estimable. Vous savez Mon Cher Evely que si vous voulez vendre vos croquis j’ai toujours amateur, & malgré nos conventions, je vous y autoriserai quand vous voudrez.

À propos d’argent & de ce qu’on n’en gagne guère en Belgique, ce qui est vrai, ne seriez vous toujours pas d’avis de venir à Paris ? Les pourparlers avec Quentin ont chance de reprendre si vous le voulez.

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Quand vous me conseillez de faire faire les photographies sur cliché pelliculaire, c’est que vous n’avez pas réfléchi à plusieurs points de la question : 1° Si les dessins sont lestes, les photographes qui ont été très embetés à cause du nombre énorme de photographies stupides d’obscénité, s’y refusent. Ils ne distinguent pas une œuvre d’art, d’une polissonnerie & ils vous répondent : trop dangereux ! ou ils vous demandent des prix dérisoires ! Il faut alors aller chercher au loin des photographes affamés, qui consentent à la chose, vous font payer fort cher & travaillent mal, vous l’avez vu par les Sataniques. 2° Pour payer ces prix ridicules, j’aime mieux alors aller chez Charreyre ou chez Arenz les photograveurs, qui pour trente ou quarante francs, mettons cinquante, pour les grandes planches, me donneront de bonnes « sorties de bain » <ou plutôt sorties de cuvette en 4 jours au plus sur cuivre plané. > – Dans quelques mois je vous procurerai peut être des travaux payés – au prix d’ici bien entendu, mais je ne peux en répondre. – Enfin 3° Lorsque le temps est gris à Bruxelles, il est grisâtre à Paris & le soleil ne luit pas pour tout le monde 4° Si votre photographe à trop d’ouvrage, je préfère vous envoyer moins de dessins, mais vous recevrez aussi moins de croquis tout cela se tient ! C’est à vous de savoir si vous voulez vous faire rapidement une collection ou si vous préférez qu’elle traînaille. Payer 30 francs ou envoyer quatre croquis, pour moi je préfère payer 30 frs ! Seulement alors, avoir Mon Cher Evely une reproduction sur cuivre non galvanique, nette de trous & d’autres « salissures » pour parler Belge ; quelqu’interêt que je prenne à vos progrès ! – Comme certains frais pourraient vous être à charge. Je prendrai dorénavant sur moi tous les ports d’envoi. N’affranchissez donc plus les colis postaux. Je vous enverrai deux clichés pelliculaires, cette semaine. Je les ai faits faire parceque le propriétaire des dessins ne voulait pas s’en séparer & voulait aller lui même chez le photographe avec ses dessins sous le bras. – Sans cela je ne les eusse point fait faire !. Jamais !

Demande :

Pouvez vous une photogravure au crayon étant mordue raisonnablement me passer sur le tout un grain assez léger, par exemple « un brun léger partout » ? sur des planches que je vous renverrais ?!

Je voudrais avoir une belle photogravure du semeur des Sataniques. Je l’ai à ma disposition. je vais vous l’envoyer mais vous me avec votre Semeur à vous si vous ne voulez pas le vendre. mais renvoyez moi tout de suite ce semeur d’Ivraie. Il appartient à Decaux et Decaux ne l’a quitté que les larmes

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aux yeux & réellement pour me faire plaisir. Décidément & cela me flatte, ceux qui ont des dessins de moi y tiennent.

Autre chose : Je suis peu chimiste, vous le savez & je m’étais mis a étudier la chimie il y a quelque temps, mais il est trop tard, je n’ai plus assez de loisirs !! Il faut produire & faire son œuvre. Je sens des mondes danser en moi & il faut les faire danser aux yeux de tous.

Pourriez vous me donner ces renseignements :

Peut-on nekeler le zinc ? – Oui, mais je veux dire peut-on le nikeler comme on acière le cuivre ? de façon à tirer des épreuves sans qu’elles souffrent du nikelage, c'est a dire, (je m’exprime mal –) si l’on peut obtenir par le nikelage les mêmes avantages que par l’aciérage. Voici pourquoi : Vous savez qu’on n’acière pas le zinc. On peut le cuivrer, mais on ne trouve pas des « cuivreurs » comme on trouve des aciéreurs & des nikeleurs, puis le cuivre est lui même un métal peu résistant. il est vrai qu’on peut aciérer le cuivrage mais alors cela alourdirait le trait, énormément.

C’est que le zinc est un métal bien agréable pour la pointe sèche !!

Autre question. Quelle est la dureté du nickel ? Il doit tenir le milieu entre le cuivre et l’acier ? – Je vais du reste faire des essais, mais si vous avez quelques données la dessus dites le moi. – Répondez moi Mon Cher Evely. – un mot à propos de tout ce qui se trouve dans cette longue diablesse de lettre. – N.B. Faire des croquis dans mes lettres, jamais ! cela passe à l’état d’autographe, & comme j’écris toujours sans me relire je ne veux pas que nos petits neveux m’agonisent de sottises.

Mais quand j’aurai le temps je vous tirerai des épreuves superbes avec des effets de « ma main ». – Je suis bien « plein de travail » pour ce mois-ci il faudra m’aider. Moi aussi je travaille les Dimanches !! Je me couche à minuit & je suis levé à 6 ½ ! Ah ! Il faut cela. on ne vit qu’en crevant ! – Et si je ne travaillais pas comme cela Mon Cher Evely je ne gagnerais pas d’argent, et j’ai des charges énormes moi aussi & plus que d’autres !! J’ai 12,000 frs de locations diverses ! Cela compte & c’est ce bout de crayon qui comme un magicien doit faire tout cela !!