Lettre de Félicien Rops à [Edmond Deman]

Page 1 Recto : 1

Mon Cher Monsieur Deman, mon silence doit vous paraître singulier. C’est que depuis dix jours, je dois, presque de jour en jour partir pour Bruxelles. J’ai naturellement bien des choses à vous dire, & je préfère vous les dire de vive voix, car il me semble que deux heures de conversation valent vingt lettres, à un moment donné.

Puis j’ai été pris comme dans un étau par la nécessité de mettre en mains de ces MMrs des « Amis des livres » deux aquarelles du Zadig que j’ai entrepris pour eux, qui m’ennuie fort d’ailleurs, & dont j’ai hâte de me débarasser. C’est Gaujean qui grave cela, en quatre couleurs, & cela sera parfaitement hideux ; non pas parce que c’est Gaujean qui grave, car il est

Page 1 Verso : 2

fort habile en son métier, mais parce que je trouve que l’imitation d’aquarelle en taille-douce est un enfantillage, & une absurdité. En même temps je travaillais au frontispice d’un volume de vers de Darzens pour Dentu ; puis les dix ou douze expositions qu’on était forcé de visiter, – pas pour son plaisir mais pour rester au courant des hideurs & des hideuristes de son temps ! & vous comprendrez que je n’ai pu satisfaire à vos demandes, ce qui me cause de gros remords, que je vais tâcher d’apaiser en vous satisfaisant le plus tôt possible. Je saurai demain ou après demain au plus tard. Si Mr mon fils se décide à venir à Paris au commencement de juin. S’il vient je n’irai pas à Bruxelles, & alors vous aurez une forte lettre, une farde ! – qui réglera toutes les questions pendantes, et en outre quelques épreuves de choix de différentes planches, nouvelles & autres.