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Mon Cher Monsieur Péladan,
Vous me feriez plaisir si vous vouliez bien passer par l’atelier de la rue de Grammont. Il s’agit de votre « Curieuse » Un éditeur, devinez qui ? serait amateur de la Chose, & avec une couverture de Legrand que « j’inspirerais » (!!!!) je crois que vous pourriez renouveler votre succès du « Vice Suprême ». Mais n’attendez pas plus longtemps !! – «Vita brevis et brevis hominum memoria. – Puis il y a bien longtemps que je n’ai vu votre tête de croyant sceptique, et comment ne le seriez vous pas comme moi, par ces jours de ruine & de platitude où un pape demande son portrait à Mr de Bismarck & l’envoie congratuler pour ses anniversaires!! – C’est Berlin qui
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est Canossa!! – J’ai six siècles de catholicisme dans le sang – cela ne s’en va pas en une séance de francs-maçons! – Ce pape est le dernier des faquins, – plus vil que le dernier voleur de macaroni de Naples ! – J’en ai eu comme des larmes, de ce soufflet donné aux joues du Christ, pâles & ensanglantées, qui nous ont tant fait rêver & prier. – Il n’y a donc plus de moines, plus de Cîteaux, plus de Bruno plus de Pierre l’Hermite pour renier ce plat monsignore qui ne sait plus maudire, & lancer l’anathème ! Bismarck qui lui a jeté le résidu de sa chope de bière au visage a bien dû s’esclaffer, aux desserts de Varzin!
– Le portrait de Bismarck au vatican, Bismarck l’exécuteur testamentaire de Luther peint par un Allemand, accroché à coté de la vierge des Douleurs ! Et les chanteurs de la chapelle Sixtine mêleront le Pie Jesu & le choral de Jean Huss! – Il ne manque plus à la tiare qu’une visière & une pointe pour en faire un casque protestant ! – Ce pape fera argenter les hosties pour les coller en décorations sur les pectoraux des caporaux prussiens. – Cette religion comme une putain finie montre son cul aux soldats, par ordre de son souteneur, le
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pontife qui en vit & qui la brocante. – Et tout cela pour deux sous. C’est l’œuvre du dernier de St Pierre !
À vous Mon Cher Monsieur Péladan & belles amitiés à Madame Maillat.
F.R
Commentaire de collaboration
Source : Hélène Védrine, Correspondance inédite, Félicien Rops-Joséphin Péladan, Paris, Séguier, 1997, p. 149.