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Je pars demain pour ce pays fantastique qui s’appelle Thozée, il y a là des bouleaux & des grands chênes qui sont de vieux amis & qui connaissent les bonnes paroles avec lesquelles on guérit les fièvres pernicieuses, très dangereuses en ces temps de ciel bas.
Avant de partir, j’aurai, si vous le permettez, le plaisir de passer chez vous, aujourd’hui Vendredi à 1 heure. Vous seriez bien gracieuse & bonne si vous aviez l’extrême complaisance de revêtir cette veste de velours brun que vous portiez il y a quelques jours. Je travaille mal. – Les forçats font des chaussons de lisière pour oublier leur chaîne, et ils oublient. – La peinture ne vaut pas le chausson – ni la boxe ! ni le trapèze ! c’est un art secondaire. Est ce pas votre avis Chère Madame à vous qui êtes une des victimes d’Émile Leclercq ?
Je vous envoie le livre de Stendhal « de l’Amour ». – Vous y trouverez peut être quelqu’intérêt, – je connais des marins qui ont fait le tour du monde, qui n’ont jamais eu l’émotion d’une tempête & s’étonnent au récit d’un naufrage. Il y a là dedans
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des descriptions de pays merveilleux pleins de floraisons étranges, dont vous n’aurez aperçu de loin que les côtes. – Je les connais moi qui suis un naufragé, un homme à la mer & qui ne veut pas qu’on le sauve !
Le bateau de sauvetage est rempli d’imbéciles d’ailleurs !
J’aime mieux les requins !
Embrassez pour moi Ma petite amie, non plutôt : qu’elle vous embrasse pour moi, je sais combien elle vous aime.
Je baise vos mains comme les Hébreux baisaient la terre promise – lorsqu’ils étaient encore en Égypte, & leur chef mourut avant d’y toucher !
Félicien