Lettre de Félicien Rops à [Jules Trépagne]

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Avoue, Mon Cher vieil ami, que ce n’est pas trop tôt que mes compatriotes me font l’honneur de m’inviter à leur Exposition ! Il y a quinze ou dix-huit ans que je suis à Paris ; j’ai reçu des invitations à peu près de toutes les Sociétés Artistiques d’Europe & d’Amérique, depuis la Société des Enfants de Clémence Isaure de St Gaudens (Haute Garonne), jusqu’à l’« association of the Art Heralds » de Sioux-City ! Seul, le Cercle Artistique et Littéraire de ma belle patrie faisait semblant de croire que je n’étais pas artiste-peintre, mais que je n’étais venu à Paris que pour y fabriquer la contrefaçon des couteaux de Masset-Licot, & des chapeaux bas, pour cocus habitant les entresols ! Note, ce que tu sais, que ce Cercle Artistique c’est moi qui en ai creusé les premières fondations ; – je ne lui en veux pas d’ailleurs. Namur pour se porter à ces excentricités anarchistes me parait être diablement devenu fin de siècle ! Inviter Félicien Rops me paraît être le commencement de la fin ! Je t’en parle en riant Mon Cher Jud, et tu vois : je suis sans rancune, et la preuve c’est que si tu m’avais invité deux ou trois mois plus tôt, j’eusse avec grand plaisir pris part à votre Exposition. C’eût été un salut d’ami envoyé aux

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amis que j’ai laissé làbas, & auxquels j’ai gardé ma bonne amitié d’antan. Mais tu m’écris le 24 mai, et je dois t’envoyer quelque chose pour le 19 juin ! Je n’ai absolument rien de prêt dans mon atelier ; mes principales œuvres sont en Angleterre, et pour obtenir des possesseurs qu’on m’en prêtat une ou deux, il me faudrait la Croix et la Bannière, écrire des lettres, s’adresser pour les transports à des Compagnies d’Assurances pour les objets d’art etc, etc, &c ; – Avec quelques semaines devant moi j’eusse pu faire un dessin ou un pastel spécialement pour votre Exposition .

Donc Mon Cher Trépagne remercie sincèrement les membres de la Commission du Cercle Artistique & Littéraire de Namur de s’être souvenu de moi & dis-leur que s’ils le veulent, en 1895, & si je suis encore en vie, je me ferai un vif plaisir de leur envoyer ce que je pourrai faire de mieux, en ce temps là.

– Si je suis mort, demande que l’on grave mon nom sur un bout de rocher aux fonds d’Arquet. Je laisserai quelques sous pour payer le rocher et le terrain, afin que mon nom ne reste pas tout à fait inconnu à ceux qui viendront, & qui naîtront à Namur au siècle prochain.

Quant à toi mon vieux fidèle, je t’enverrai bientôt un croquis fait pour toi, & quelques eaux fortes. Dis à Marlaire que je lui écrirai dans quelques jours, et qu’une grave indisposition

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– une congestion sur les yeux qui m’a empêché de travailler pendant cinq mois, m’avait aussi empêché de lui faire ce que je lui avais promis.