Numéro d'édition: 2938
Lettre de Félicien Rops à [Antoine Marlaire]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Antoine Marlaire
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1870/01/25
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
8807/t1/p232+8807/t1/p233
Collationnage
Tapuscrit Lefebvre - Kunel
Date de fin
1870/01/25
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l'Art Contemporain
Page 232
Reçue le 25 janvier 1870.
Mon Cher Marlaire,
Je m’étonne 1° que le Club fasse faire seul une estimation lorsque l’on expertise d’habitude en présence des parties 2° que Mr Golenvaux qui n’est ni maçon, ni ingénieur, ni architecte, ni entrepreneur, mais simplement menuisier soit choisi pour faire cette estimation – estimation dont je conteste la justesse, parce qu’il ignore la hauteur de la maçonnerie des énormes caves que j’ai fait faire sous le local, qui est entièrement sur souterrains, dans le but de pouvoir utiliser le local si on veut lui donner une autre destination. – De plus je demande à ce qu’un des entrepreneurs qui seront présents à l’expertise s’engage, par écrit, à bâtir un nouveau local pour le prix auquel il fixera son expertise, et dans les mêmes dimensions et avec les mêmes avantages que le local actuel.
Il est évident de deux choses l’une :
Ou le local actuel ne vaut pas 4.500 francs et alors vous avez raison de le refuser, quoique le Club aurait dû commencer par là, ce qui nous aurait évité des embarras et des ennuis judiciaires parce que dans ce cas ce sera aux tribunaux à juger :
1° si le Club après avoir pris possession de fait d’un local dont il a payé la moitié, a le droit de le refuser deux ans après.
2° si le trésorier du Club en payant avec l’argent des actionnaires du local, des dépenses faites par le Club précédemment – ce dont j’ai les preuves – n’a pas fait acte de malhonnêteté et ne se trouve pas devoir aux actionnaires du Club le rendu compte de ces sommes détournées de leur destination.
3° si dans le cas de non paiement, le Club peut se servir d’un local qui de fait ne lui appartient pas puisqu’il ne le paie pas. etc. etc .etc .
Enfin les questions qui peuvent surgir sont très multiples et feront le bonheur de Victor Rops comme avocat et comme ergoteur.
Dans tous les cas, mon cher Marlaire, regarde à cela même : les scellés seront posés sur l’objet en litige, ‒ je viens de m’informer de cela et c’est le droit d’une des parties dès qu’elle le réclame. Voilà donc la Société pour une misérable
Page 233
contestation de deux ou trois cents francs de différence privée de local pendant deux ans peut-être, et entraînée dans un procès dont elle sortira peut-être à son demi-avantage, mais qui n’en sera pas moins, vis à vis de moi, qui ai prodigué mes peines pour lui rendre service, un acte de déloyauté et d’ingratitude.
Je sais que Victor Rops désire entraîner le Club dans un procès qui le mettrait en lumière, mais où est même l’intérêt du Club dans ces ergoteries et ces avocasseries ?
Pour sortir de ces questions qui m’écœurent, je viens de payer François, je me propose d’écrire à Mr de Woelmont et de lui raconter les faits en lui demandant une solution quelconque pourvu qu’elle soit honnête.
Je suis donc maintenant seul créancier pour le local, je sais qu’on en profitera pour me payer de moins en moins, mais je veux aller jusqu’au bout, c’est une leçon pour moi et cela me déshabituera peut-être de mes accès de générosité inconsidérée et de foi dans la parole « non écrite » de mes amis.
En cas d’acceptation, je ne me montre pas d’une férocité de créancier. J’en reste aux propositions émises par toi comme arrangement vis à vis de François.
Je toucherai de suite les 500 francs de Thiry le reste me sera payé en actions avec garantie des Membres du Conseil de cette année et ces actions seront remboursables par annuités de 500 francs. Il restait à payer 2.500 francs. – Je viens de les envoyer à François – les conditions me paraissaient très acceptable et d’une modération exemplaire. Dans tous les cas, je demande de suite une expertise des plus sérieuse.
Je te serre bien la main
Félicien Rops.
Je t’enverrai un billet pour Thiry s’il n’a pas encore payé, et il me semble que l’on pourrait contraindre Valentin à payer, c’est ridicule de ne le point faire et c’est un fait d’incurie.
As-tu envoyé les Buveuses d’absinthe à ces MMRS ?
Je t’envoie un règlement des aqua-fortistes, cette présidence là est heureusement sans dangers et cependant je me hâterai de donner ma démission dès que je pourrai le faire – et je n’ai accepté que pour être utile aux artistes pauvres et leur venir en aide ; ce qui est une bétise parcequ’il ne faut jamais rendre service à personne. On ne vous en dait aucun grè, et si l’on peut vous jouer un mauvais tour pour vous exprimer une reconnaissance quelconque, on ne manquera pas de vous jouer.
Règle générale : un bienfait est toujours perdu.
Détails
Support
.