Numéro d'édition: 2969
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
8808/t2/p354+8808/t2/p355+8808/t2/p356
Collationnage
Tapuscrit Lefebvre - Kunel
Date de fin
1880/07/06
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l'Art Contemporain
Page 354
Paris 6 juillet 1880
Mon Vieux Edmond,
Que fais-tu ? Où vas-tu ? Que deviens-tu ? Moi je veux te dire mon programme. Je quitterai Paris du 20 au 25 août. Je me moque des festivités comme bien tu le penses. Je sors d’en prendre. J’ai une indigestion de drapeaux. Je viens de rentrer à Paris, j’ai fait à deux reprises deux voyages en pays de Loire. – Adorable la Loire de Tours à la Mer et bien étrange. un fleuve avec des îles, des hauts-fonds, des bancs de sable comme la mer à Nieuport. Vu Chambord-Amboise, Blois. – Des châteaux partout, de cette belle Renaissance Française qui est si fine et si joyeuse. Été à Château-Reynuult., une ville qui dégringole d’un coteau de vignes avec de maisons à auvents et à pigeons sur rue : ‒ à chaque fenêtre un museau joyeux de fillette. – Des « Léontine » partout. Et l’auberge de « La Lamproye ». l’auberge de Rabelais d’où on pêchait dans la Vienne les fameuses truites. – Azay-le-Ridel. Station. Il y a dix ans que je n’y étais venu. – À Angers et à Saumur les jolis vins de Touraine et d’Anjou que nous « sablerons » ensemble un jour, hein ? – Toujours la vigne sur les coteaux ─ les petits châteaux jaillissent des ceps et des pampres. – Voici St Florent-le-Vieil, et la Vendée, à gauche le Bocage et les Mauges, à droite la Bretagne. – Nous allons passer deux jours chez un bon banquier, ami de Gouzien, au château de St Laurent du Copet (Li Copette en wallon) ─ nous sommes en plein pays Chouan, ─ notre vieux domestique nous imite le cri de la chouette ; il a fait le coup de
Page 355
feu pour « Madame » en 1832. – Je compte bien te forcer à venir voir tout cela. On vit pour rien là. Nous voilà à Nantes de Nantes à St Nazaire ─ le bourg de Batz est prodigieux. – Je voulais pousser jusqu’à Guéroni ─ mais il faut revenir. ce sera pour une autre fois. – Tout cela pour cent francs tout compris. – Serais-tu tenté de faire en Septembre un tour à la mer ? – Tu ne nous donnes plus de nouvelles, il ne te faut pas laisser endormir en ton bien-être. – Décidément tu ne veux pas m’envoyer mes lettres de Monaco. J’en ai besoin vrai. Et tes silences à ce sujet m’embêtent.. – En Octobre je veux Anseremme ─ Nous y serons, hein ? – Quel cochon silencieux tu fais. – Mes amis me désespèrent. Il faudra donc que je te sente t’engraisser aussi. C’est désolant. Je croyais bien ne pas te voir vieillir. – Ils m’abandonnent tous ─ Dom est tombé en arichitecturonronerie. – Toi tu disparais dans des béguinages spéciaux, Liesse maritornise. Décidément c’est encore Gouzien qui tient le plus. – Il est toujours prêt à féminiser, à chanter et à s’harnacher de gueule. – Nous ferons encore quelques bonnes parties ensemble, hein ? – Pourquoi ne vois-tu pas plus souvent Hannon ? Il est charmant, vit dans un monde de très jolies filles de théâtre, ─ (je les ai vues ici) très artistes etc…… Réponds-moi un mot et dis-moi tes intentions pour fin Août et Septembre. Je resterai en Belgique de fin Août au 15 Octobre.
À toi
Vieux pitre
Fély
Liesse va bien comme plume ; il a fait dans le Vie Moderne sous le
Page 256
pseudonyme de Blaise deux pages charmantes sur le 14 juillet. C’est réellement très bien.
Détails
Support
.