Numéro d'édition: 3005
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
8811/t5/p226+8811/t5/p227
Collationnage
Tapuscrit Lefebvre - Kunel
Date de fin
2024/12/26
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Archives de l'Art Contemporain
Page 226
1879.
Je suis très réellement heureux que ma peinture t’ait plu. Je travaille toujours pour quelques amis et quelques artistes. Depuis que j’ai fait voir ces dessins, je reçois beaucoup de visites et, chose bizarre et flatteuse, les peintres me commandent des peintures ! Munckaczy, Zichy, Degas, de Neuville m’ont fait les premières avances. J’ai trouvé sur leurs lèvres – ce qui est drôle – la même opinion que la tienne. Je me sens aller à cet art-là qui est l’expression de la vie actuelle contemporaine. Je suis content. Comme je te le disais un jour, je crois que nul homme ne remplace exactement un autre homme, quel que soit son degré de valeur, - en art bien entendu. Je ne cherche qu’une chose : à ne pas me souvenir de ce que font les autres et de ce qu’ils ont fait, estimant que ces préoccupations sont nuisibles et vous entravent dans votre idée et dans la façon de l’exprimer matériellement. On me demande si je fais du pastel ou de l’aquarelle : cela m’est bien égal ! J’emploie ce qui me plaît, et demain je ferais de la peinture à l’huile si je trouvais plus de charme à le faire. Je fais d’ailleurs des études à l’huile pour ne pas fatiguer le modèle. Tu as parfaitement raison : c’est presque académique, mais je vois comme cela. Je pourrais mettre « j’ai vu » sur les machines que je fais. « J’ai vu cela dans un restaurant des Champs-Elysées. » Je connais presque toutes mes femmes et les ai fait poser dans des toilettes pour arriver à plus de vérité.
Page 227
Je suis fou de la vie moderne, tu le sais, et je crois que, lorsqu’on veut la peindre, il faut venir dans les endroits où elle se manifeste avec le plus d’intensité : à Londres ou à Paris, et encore il faut être bien au courant de la vie anglaise pour comprendre Londres. Voilà pourquoi les machines d’Hermans, quoique pleines de qualités réelles, n’ont ému aucunement le Parisien. Ces femmes n’appartenaient à aucun pays et étaient habillées comme des bourgeoises qui s’habillent en cocottes. Et puis c’était battu à froid, et cela se compliquait d’une vieille allégorie, une affabulation de M. Viennet. Comment veux-tu qu’un Hermans non passionné fasse et raconte la passion !
Détails
Support
.