Lettre de Félicien Rops à [Léon Deschamps]

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Puisque vous m’avez offert avec votre constante gracieuseté, de servir encore, si besoin était, d’intermédiaire officieux entre rebell et moi, et nous, je vous prie de demander à celui-ci, « s’il est toujours dans les mêmes intention », car sa conduite est si bizarre, & si peu dans les usages ordinaires que je me demande s’il les connait. J’aime l’originalité, mais pas en dehors d’une certaine mesure, et tant qu’elle n’est pas une menace pour les bonheurs futurs. D’ailleurs, mon Cher Deschamps, comme je vous sais homme de bon sens, ce qui avec la bonté constitue la plus précieuse des qualités humaines, je vous fais juge de mes griefs, et je ne demande pas mieux qu’ils soient aplanis.

Après la demande de Rebell, je vous ai dit que la demande ne nous déplaisant pas, celui-ci serait d’abord reçu en ami, qu’il assisterait comme tel à nos petits diners hebdomadaires habituels, que nous donnions souvent pendant l’hiver, qu’ainsi ma fille et lui pourraient faire connaissance, & que s’il plaisait, on lui accorderait « l’entrée de la maison » qui donnerait plus d’intimité aux relations établies, et aiderait à une connaissance mutuelle plus absolue, par son talent, très réel d’abord, et par son côté peu banal d’allures. Ma fille a à son égard les mêmes sentiments ; son éducation anglaise l’ayant habitué à certains aspects « un peu clergymans » qui eussent plutôt éloigné une fille, à habitudes plus françaises.

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Je crus donc possible, et le moment venu, de dire un soir à Rebell que désormais il pouvait considérer ma maison comme la sienne, que sans invitation officielle, il pouvait venir dîner, passer la soirée, prendre le thé, etc, etc, enfin « agir sans façon » comme l’on dit à la bonne franquette dans les vieilles familles bourgeoises. – À partir de ce jour, nous n’avons pour ainsi dire plus vu Rebell ! Il nous a fait dire « par son domestique » ce qui me paraît très sans façonnier, et sans même lui remettre un mot écrit, tantôt qu’il était malade, tantôt qu’il ne pouvait pas venir, etc, etc. Je lui avais écrit quelquefois qu’il vienne une heure ou deux avant le diner, afin qu’il puisse se trouver seul avec ma fille & qu’il puisse lui dire au moins ses sentiments ;) il est venu plus tard que de coutume encore ! Bref, il a l’air de se dérober, et ses façons ne nous vont pas, mais pas du tout ! Vous savez mon Cher Deschamps, combien nous sommes des gens sans détours, sans côtés cachés, à allures nettes, claires, décidées, et nous les aimons chez les autres ces allures. – Si rebell croit qu’il s’est trompé, si les « projets esquissés » ne lui vont plus, ce qui est possible après tout, pour une cause ou pour une autre, il n’a pas à se dérober ni a prendre pour manifester son opinion, des façons cachotières qui peuvent nous blesser ; qu’il agisse franchement, nettement, et que ces fuites de Galathée « ad salices » soient abandonnées. Elles ne vont pas aux hommes. Puis plus la position de ma fille est spéciale plus elle exige d’égards. C’est ce qu’on compris tous nos amis, et que je veux que comprennent………

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tous ceux qui aspirent à ce titre, et à plus forte raison, ceux qui aspirent à des titres plus doux et à des intimités plus grandes.

Voilà mon Cher Deschamps ce que j’avais à vous dire et ce que je vous prie de transmettre à Rebell. Vous savez mon Cher ami combien l’argent a peu d’influence sur nous. Du reste ce n’est pas ici le cas, la position de Rebell étant modeste tout en étant simplement convenable. Nous ne tenons qu’aux qualités et à la santé. – Donc nous ne sommes pas tenus du tout par les questions vulgaires. Nous constatons seulement que les façons d’agir de Rebell actuellement, manquent non seulement d’élémentaire courtoisie, mais qu’elles indiquent peu d’empressement, et qu’il a l’air fort médiocrement épris. Depuis qu’il a « l’entrée de la maison », il aurait pu voir dix fois ma fille, il ne l’a pas fait. Ce n’est pas là des manières « d’amoureux », et ces manières, à un moment venu me semble indiquées, et sans ridicule. – Lorsqu’elles ne découlent pas très naturellement de la situation, c’est qu’elle n’ont pas de raison d’être, et alors il est préférable d’y mettre fin tout à fait. Que vous en Semble ?

Voilà ce que je vous prie de dire à Rebell, et c’est à lui de consulter ses sentiments et surtout à parler net et à bien savoir ce qu’il veut, et à employer pour ce, les moyens ordinaires. Et surtout qu’il ne soit retenu par rien ! Il restera notre ami, – quand même, – et notre accueil ne perdra pas de son affabilité. En attendant mon Cher Deschamps nous envoyons à Me Deschamps nos meilleurs souhaits & à vous une bonne poignée de main de nouvel an. Je suis confus de vous « embêter »

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encore, mais j’espère que cela n’aura plus lieu. D’ailleurs je vous en remercie d’avance ou plutôt nous vous en remercions de cœur.