Numéro d'édition: 3248
Lettre de Félicien Rops
Texte copié
N° d'inventaire
1972/A/813
Collationnage
Scan
Date de fin
2024/12/26
Lieu de conservation
France, Paris, Fondation Custodia
Page 1 Recto : 1
Mon Cher Vieux Copain
il faut absolument alléger la tête du Monsieur ci-joint c’est gravé trop noir tout cela !! et trop de gravure ! La robe de la femme par exemple et le jupon viennent à l’appui de ce que me disait Wilson ! Tout en étant dessinées sur le dessin et même plus poussées que cela les ombres ne seraient pas gravées sur ce qu’ils appellent la matrice c’est à dire le trait de la première planche lequel est toujours ou du moins le plus souvent tiré en bistre clair, pas toujours car certaines parties mêmes du trait ne sont pas tirées sur cette première planche. – Ce qui fait touj que toujours ce que tu fais en couleur a l’air d’un dessin à la plume enluminé, c’est tout ce travail de la première planche !! Il y en dix fois trop & trop peu sur les autres. – Les autres planches ne portant que des teintes et de la gravure de teintes pour que toutes à plat n’ayant plus d’indications de plis & de modelés donnent fatalement l’aspect enluminure tandis que les Anglais ont l’aspect peinture. Chez les Anglais il n’y a pour ainsi dire rien sur la première planche & ils ont un noir « couleur » qu’ils mêlent à beaucoup de tons et qui leur donnent les vigueurs. Toute la différence est là et n’est que là. Et la preuve c’est que les modèles de Craene sont faitsà l’aquarelle pure !!
Il est impossible qu’une planche aussi gravée
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sur la première planche que cette planche du piano donne autre chose que l’aspect « enluminure »
– Les lignes du paletot les dessins et les ombres les tailles du piano, les bonshommes du vase, etc etc tout cela est inutile sur la première planche & même nuisible si on veut obtenir l’aspect peinture !
Voilà le vrai quand le diable y serait ! D’autant plus que tout ce travail n’étant pas tiré dans le ton de l’objet fausse le ton et transpare brutalement, d’où l’aspect imagerie.
Suppose par exemple le paletot & le pantalon de notre bonhomme ci-joint : le contour tiré en bistre clair, les bruns du paletot venant recouvrir même ce trait, comme ils le font exprès (ils – les Anglais,) dans Greenaway ; les ombres & les raies en brun tu auras de la peinture. Si je mets un noir couleur sur la cravate, j’aurai de la peinture sinon, – non !– J’aurai Epinal. Impossible de faire quelque chose sans noir-couleur d’abord & avant tout, voilà l’opinion de mon ami Wilson qui a travaillé « la partie ». Jamais l’encre d’imprimerie ne donne le noir couleur. on fait pour le noir couleur un noir chaud qui se mêle à toutes les couleurs & donne des vigueurs superbes avec les verts les rouges & les bleus. L’encre d’imprimerie salit.
– Nous ferons un essai à nous deux – Je te donnerai un premier bois tu le graveras puis je dessinerai sur des transports de ce premier bois & je dessinerai & je modelerai chaque chose dans son ton. Il n’y a pas d’autre système possible, du moment où on ne veut pas faire les frais de photographier le dessin autant de fois qu’il y a de couleurs d’après un dessin très fait. – Rien ne peut me faire démordre de cela Mon vieux Complice. Je suis dans le vrai, et j’ai mis le doigt sur ta plaie : À demain je t’enverrai les dessins
À toi
À vous
Au galop
Fély
Si moi je faisais de la chromogravure non j’emploierais un noir mais j’aurais un blanc couleur qui arriverait à plat sur les teintes comme un rehaut dans le ton. – mes premières couleurs seraient le noir & le blanc & le bon Wilson est de mon avis, alors on picturerait, & l’on sortirait de l’enluminure.
Détails
Support
1 feuillets, 2 pages, Vergé, Crème.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.