Chroniques ropsiennes

Rops en son castel. Une importante mise en dépôt du Fonds Rops-Château de Thozée

Dans le nouveau plan quadriennal (2019- 2022) rentré auprès de la Fédération Wallonie-Bruxelles et approuvé par le Collège provincial de Namur, le musée Rops a émis le souhait de renforcer ses actions sur le territoire, notamment en établissant des contacts privilégiés avec le Fonds Rops-Château de Thozée, lieu de résidence de l’artiste, souvent évoqué dans sa correspondance. Le château est actuellement une résidence d’artistes et d’activités diverses.

Parmi les pièces mises en dépôt, des documents assez intimes complètent notre connaissance de l’artiste : son carnet d’école, des bilans de santé, des listes de plantes commandées à des pépiniéristes, des factures de grossistes ; mais aussi des articles de presse lors du décès du Namurois, de nombreuses lettres de condoléances adressées à son fils, Paul, ainsi que plusieurs réclamations de dettes dont, entre autre, celle de Boussingault, le propriétaire de l’Auberge des Artistes à Anseremme. En effet, suite à l’annonce de succession passée dans la presse, en tant qu’héritier,

Paul Rops a dû traiter ces réclamations et gérer l’impatience de certains créanciers. En outre, on a pu répertorier différentes missives entre Sophie Maubille et NicolasJoseph Rops, les parents de Félicien Rops, datées de 1823 à 1845 ; entre Paul Rops et sa mère Charlotte Polet de Faveaux ; entre l’artiste namurois et son fils[1]. Ces échanges épistolaires nous donnent à voir un Félicien Rops attentionné dans son rôle de père, bienveillant envers la mère de son fils, une femme qu’il respectait malgré leur séparation.

« Cher Fils Bien Aimé, Ta lettre m’a fait plus que du plaisir, tu m’en écriras souvent afin que je vive plus de votre vie quoique loin de vous. Rien de ce qui vous touche ne m’est étranger. Dis-moi tout de suite comment va la santé de mère. […] Depuis quelques années elle a eu de bien rudes coups à supporter. […] Je ne te dirai pas mon cher Paul d’être “bien obéissant” envers elle mais je te rappellerai, puisque te voilà un homme que tu ne pourrais avoir pour elle trop de tendresse ni trop d’égards. Ta mère a toutes les qualités du cœur & de l’esprit & son jugement sain & sûr ne pourront jamais t’égarer dans la vie. Moi-même si j’avais toujours écouté ses conseils, j’eusse évité bien des malheurs & bien des fautes que le temps & mon courage me permettront de réparer je l’espère. – Tu le vois je te parle Cher fils bien aimé non plus comme l’on parle à un enfant mais comme l’on parle à un homme que tu es maintenant[2] . » Ces échanges dans la sphère familiale contrastent avec d’autres lettres inédites adressées à une inconnue nommée Sabine qui témoignent davantage d’un Rops charmeur. Quelle était la nature de ces quelques feuillets sans cachet ni signature retrouvés au milieu d’autres papiers conservés par la famille de l’artiste : un brouillon ou une missive prête à l’envoi ? Le contenu a permis de lever le doute sur cette lettre puisqu’il a mis en lumière les procédés épistolaires utilisés par l’artiste pour communiquer avec ses conquêtes extraconjugales.

« Ma chère belle Sabine, je veux vous écrire ce soir. Je ne trouve pas de papier à lettre, j’arrache deux feuillets d’un cahier de notes ; je suis un peu honteux de vous écrire sur ce chiffon d’imprimerie, mais je m’excuse en toute humilité et j’aime encore mieux vous écrire là-dessus que de ne pas vous écrire du tout, ce qui serait pis ! Commençons par les choses utiles à dire mais froides à écrire, surtout lorsque l’on n’a que quelques minutes à soi et que l’on a tant de choses à dire, que l’on voudrait dire ! — D’abord le chapitre des précautions absolues à prendre et à observer : 1° le papier parfumé à supprimer, une lettre écrite sur papier parfumé ne peut ni se porter sur soi, ni se cacher, elle décèle partout sa jolie présence ; 2° Choisir un papier peu épais et fort ordinaire qui puisse se plier facilement, se glisser sous une enveloppe pour le retour des lettres, ne pas faire d’épaisseur, enfin se conduire et se dissimuler comme un billet d’importance qui sait son devoir et les dangers qu’il porte en ses légers feuillets. Enfin 3° être exacte pour le renvoi des lettres. […]

Je ne peux avant un mois rien vous envoyer de ce que j’ai fait. Mais je vous enverrai même les pièces que les sots appellent "légères". Je veux que vous connaissiez tout, tout, tout moi qui est vôtre[3] . »

Ces documents sont une véritable mine d’or pour les recherches et permettent de nouvelles précisions sur Félicien Rops qui ne cesse de se dévoiler, au détour d’écrits en tous genres, savoureux et truculents.

Le dépouillement continue car nombreuses sont les archives mises en dépôt par le Fonds Rops. Avec l’aide d’une étudiante bénévole en histoire de l’Université catholique de Louvain, Amandine Couvreur, l’inventaire ne cesse de s’enrichir d’informations inédites sur l’artiste et sa famille namuroise.

[1] Les lettres entre Félicien Rops et Paul Rops sont déjà publiées sur le site ropslettres.be.
[2]Lettre de Félicien Rops à [Paul Rops], [Mettet], [1877]. Province de Namur, musée Félicien Rops, Coll. Fonds Félicien Rops. Édition en ligne : 3316
[3]Lettre de Félicien Rops à Sabine, Paris, s.d. Province de Namur, musée Félicien Rops, Coll. Fonds Félicien Rops. Édition en ligne : 3373

Découvrir d’autres chroniques

Les ateliers de Rops - Partie 2

Véronique CARPIAUX

Les ateliers de Rops - Partie 2

Lire la chronique

Les ateliers de Rops - Partie 1

Véronique CARPIAUX

Les ateliers de Rops - Partie 1

Lire la chronique