Peintre et graveur italien ainsi que collectionneur d’art japonais. Il étudie la peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Naples en 1860 où il commence à peindre dans un style réaliste. Giuseppe y reste jusqu’en 1863. Comme Rops, il ne supporte plus les préceptes académiques et participe, avec ses amis Marco de Gregorio (peintre italien, 1829-1876) et Federico Rossano (peintre italien, 1835-1914), à la naissance de l’École de Resina (1863-1867), un « cercle d’artistes radicaux qui, ne reconnaissant aucune autorité, méprisant tout ce qui pouvait leur procurer du bien-être à condition de faire des concessions à la mode, se délectèrent des satisfactions intimes que procurent aux vrais artistes, communiant autour des mêmes idées, l’observation attentive de la Nature » (Boschetto A., Scritti d’arte di Diego Martelli, Sansoni editore, Florence, 1952). En 1867, il s’établit à Paris et côtoie des artistes du mouvement impressionniste, comme Edgar Degas (1834-1917), Edouard Manet (1832-1883), Gustave Caillebotte (1848-1894). Comme Félicien Rops, Giuseppe De Nittis est une relation du couple de sculpteurs et collectionneurs Cyprien (1835-1909) et Matylda ( ? – 1887) Godebski, qui animent un salon à la rue de Prony à Paris. De Nittis épouse Léontine Lucile Gruvelle, une écrivaine parisienne quelques mois après leur rencontre chez les Morin en 1868 (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k82885h/f22.image). Giuseppe De Nittis compte parmi ses amis proches Edouard Manet (1832-1883), le peintre Ernest Meissonier (1815-1891), le marchand d’art Ernest Goupil (1806-1893), le critique d’art italien Diego Martelli (1838-1896) ou encore Edmond de Goncourt (1822-1896) (voir Giuseppe De Nittis. La modernité élégante, Catalogue de l’exposition, 21 octobre 2010 – 16 janvier 2011, Petit Palais, musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, Paris musées, 2010). Dans les années 1860, comme Félicien Rops, De Nittis va pratiquer l’eau-forte et la pointe sèche dans les ateliers de l’éditeur Alfred Cadart (1828-1875). Il expose ses toiles dans divers lieux prestigieux comme en 1874 au Salon à Paris, au Salon de la Société des amis des arts de Bordeaux ou encore lors de la première Exposition impressionniste chez le photographe Nadar (1820-1910). En 1878, il connait une grande reconnaissance en présentant onze toiles à l’Exposition universelle de Paris. Il meurt brutalement d’une embolie à l’âge de 38 ans à Saint-Germain-en-Laye et est enterré au cimetière du Père Lachaise. Dans son testament rédigé le 3 novembre 1912 (elle meurt le 13 août 1913), Léontine Gruvelle lègue à la ville de Barletta (Pouilles, Italie) les œuvres conservées dans l’atelier de son mari sis rue Viète dans le 17e arrondissement de Paris : http://www.barlettamusei.it/cron_donazione.html.
Félicien Rops tient manifestement l’art de De Nittis en haute estime. Il le cite dans une dizaine de lettres, posant le problème de la lumière dans la peinture en plein air en se référant aux impressionnistes : « Chaque fois que Nittis finit un effet de soleil il se met dedans. Chaque- fois qu’il pince l’impression, « le brésillement » de lumière » le pétillement, l’étincellement de ces mille valeurs qui scintillent partout dans la diffusion de l’effet il y est ! C’est pour cela que les impressionnistes rendent si bien ces effets là & si mal les effets où l’air ambiant étant plus calme, plus reposé, sans soleil, l’œil peut voir à la fois l’ensemble & le détail. » (éd. 1435). Dans les autres lettres, il souligne surtout la modernité qu’il trouve chez ce peintre : « Nittis est de vingt ans en avant et fait vivant, vibrant et neuf. » (éd. 3003). Mais toujours avec son franc parler, Rops est critique quant à la personnalité de l’artiste : « […] et Nittis très artiste aussi, mais napolitain, faiblot, peureux, laissant faire sa femme et ayant toutes les roueries italiennes et aussi toute la folie des vanités mondaines, bonnes pour les agents de change & les boursiers Juifs. » (éd. 1615). Lors d’un dîner chez les De Nittis en 1882, Rops relate qu’il s’est emporté : « Hier, j’ai été chez Nittis, derechef, & j’y ai mis franchement le pied dans, & sur tous les plats. On ne m’invitera plus, & j’en suis fort aise. J’ai commis dans ce salon, o[ù] les artistes & les gens de plume sont aux genoux des banquiers, le plus grand des crimes : le crime de lèse-million, en disant simplement qu’il n’y avait que les gens qui dès l’enfance se mouchaient dans leurs doigts pour tirer vanité d’un mouchoir de poche, que les artistes & les littérateurs gens qui avaient le bonheur d’être d’une classe moralement plus élevée que les autres, n’avaient pas à tirer vanité d’un fauteuil, & qu’ils devaient laisser ces petits plaisirs aux infortunés milliardaires qui n’avaient que cela, pour se réjouir en revenant de la Bourse. Bref que toutes ces ostentations, & ces ébahissements dans le luxe frais émoulu, ne prouvaient jamais qu’une piètre naissance & une éducation de hasard. – Tu vois d’ici les têtes !!! – En sortant, Banville me dit : Vous avez bien parlé à ces gens-là, mais malheureux, vous avez manqué « la vente » de vingt dessins !! – puis vous saviez donc que Mme de Nittis a été blanchisseuse ! – Je n’aurais jamais trop d’ennemis, ai-je dit au bon père Banville. » (éd. 3477). Cet esclandre démontre les convictions morales de Félicien Rops face à une classe sociale aisée qui, comme le souligne l’écrivain Théodore Banville (1823-1891), possède en son sein une série de collectionneurs potentiels. Rops critique ici ses confrères artistes qui, parfois partis du bas de l’échelle sociale, se hissent et séduisent la bourgeoisie fortunée. En critiquant l’attitude de Guiseppe De Nittis et de son épouse Léontine Gruvelle lors des soirées mondaines qu’ils organisent, Rops se range parmi les artistes gardant leur liberté de création, n’ayant pas besoin du support de riches collectionneurs.