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20 Décembre 1892.
Mon Cher Bailly,
Enfin ! me voilà débarassé, ou à peu près de tous mes ennuis ; et je me semble bien portant. Savez vous ? (on est Belge ou on ne l’est pas !) Savez-vous que voilà un an : le cinq janvier il y aura un an, que j’ai été griffé par le Destin ! – Dites s.v.p. à MrPierre Loÿs, que je n’ai plus vu depuis son départ pour Londres, que « fin courant » il tiendra son dessin, irrévocablement, & que je lui adresse pour tous ces retards mes plus humbles excuses.
Mon pauvre Bailly, je viens de passer une bien terrible année, moralement et physiquement ! Mon défaut : et peut être ce défaut est-il une distinguée & noble qualité, c’est d’avoir la plainte pénible. – La Mort, clamée & célébrée des anciens me semble préférable au Gémissement. Il m’est souvenir que j’ai quelque part dit que : pour intéresser les autres à ses « peines il fallait être très riche ». La plainte fatigue les amitiés agréables, & ne les intéresse pas !
Enfin je me parais guéri, & je dois l’être, car je sens renaître en moi mes insolences envers la vie, & mes ingratitudes
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envers Dieu.
Peut être pourrai-je faire quelques unes des choses que j’ai rêvé de faire avant de mourir d’une façon nette & concluente.
À Bientôt Mon Cher Bailly, Tous les Jeudis de 1 à 5 je serai place Boieldieu.
Je vous serre la main bien affectueusement.
F.Rops
Belge libéré.