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Paris, dimanche, 11 h.
Madame,
Je viens de recevoir, à ma grande stupéfaction, un billet de Miss par lequel elle me prévient qu’elle arrivait à Paris avec Alice. Comme la coïncidence de ce voyage avec ma présence à Paris pourrait vous paraître suspecte, je crois de mon devoir d’homme loyal de vous dire que je ne suis pour rien dans les motifs qui ont pu décider ce voyage qui me désole parce qu’il a dû vous faire peine ainsi qu’à M. Renaux.
Je viens de voir Alice et Miss et je n’ai pu m’empêcher de leur dire combien cette conduite étrange était répréhensible et pouvait vous paraître suspecte.
Maria, avec laquelle j’avais dîné la veille, vous affirmera, si vous pouviez douter de ma parole, à quel point j’ignorais l’arrivée d’Alice et combien cette étourderie d’enfant m’a attristé. Elle est, du reste, bien au regret de cette petite escapade d’écolière et je vais user de toute mon influence pour engager Miss à vous la ramener au plus vite.
Les sentiments de frère et de frère bien dévoué que je porte à Alice m’ont fait la gronder peut-être un peu fortement et elle m’en gardera sans doute rancune ; vous lui ferez comprendre, cher madame, qu’en outrepassant peut-être les droits que me donnait cette affection, je ne l’ai fait que pour son bien et dans son propre intérêt.
Veuillez, chère madame, communiquer cette lettre à l’instant à M. Louis Renaux votre fils : présentez-lui mes amitiés, dites-lui que je lui engage ma parole d’honneur, que j’ignorais il y a une heure qu’Alice et Miss étaient à Paris et que jusqu’au départ d’Alice, je me permets de le remplacer auprès de sa sœur qui n’aura qu’à se louer, je crois, du respect que je lui porte.
Recevez, chère madame, ainsi que M. Renaux, l’expression de mes sentiments respectueux.
FÉLICIEN ROPS.