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3 oct 1889
Mon Vieux Rodrigues,
je rage contre moi, contre l’Art, contre ma main droite que j’ai envie de couper espérant que ma main gauche fera mieux ! C’est la tête, la « cabeza» qu’il faudrait couper pour lui apprendre à ne voir que les choses que la peinture, art bête, peut rendre « avec fidelité » comme disent les professeurs !
Que le Diable m’emporte !! Et triste comme St Jérémie !! Oh ! le lugubre des départs d’automne, dans les gares humides où le vent chasse les feuilles jaunes, en tenant les mains de la pauvre petite bien aimée dont les cheveux blonds se mêlent aux fourrures sur lesquelles on a pleuré tout à l’heure ! – Et Elle ! ne reviendra plus jamais ! – que mariée, à un homme de la Campagne, comme en disent les cartes, – de labàs derrière Cazan, où l’on chantera dans les Isbâs – le jour de ses noces. Que le Diable m’emporte !! ! Nom de Dieu !
– Et elle pleure aussi la Locomotive ! (systhème Crampton !) elle dit Fély bete bête, reviendra pas, reviendra pas ! ..iendra pas ! dra pas ! pas ! pas !! pas !! !! !! ! Plus rien ! – Amusante la Vie ! – Je vois Cazan et ses toits blancs, – un sale Chelmonsky ! – Puis sa maison à Elle !! avec des marronniers d’Inde en pots :
(Pavia rubra). Le moujick est saoûl,
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Elle a mis mon portrait dans « l’album » à coté de Potraboscheff le chevalier-garde Le moujick devient de plus en plus saoul ! Bon une flaque d’eau ! Cette rue Lafayette est dégoutante ! Que le Diable m’emporte ! En va-t elle jouer encore de cet imbécile de Schopin ! – un polonais, que les polonais appellent : Chopine, – en pochards qu’ils sont !! Une Russe jouer du polonais ! Si cela ne ferais pas suer Skobeleff ! ! Viendra pas ! iendra pas !! est ce bête les Locomotives ! Je ne connais rien de bête comme une Locomotive ! Et toi Nom de Dieu ! – Diable m’emporte !! !
ça c’est des feuilles jaunes et aussi ce que le chevalier Delille appelait des pleurs