Lettre de Félicien Rops à [Eugène Rodrigues]

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J’ai dû quitter la Demi-Lune sans passer par Paris pour m’éviter une journée fatiguante. En quittant notre train nous sommes montés dans le train de Lyon. – j’avais bien envie de t’envoyer une dépêche pour te dire de venir me dire au revoir à la gare, mais à Haraucourt et à mon docteur à qui j’avais donné rendez vous, j’ai dû télégraphier trois fois toujours une chose ou l’autre me faisant remettre mon départ. Je suis du reste parti tout raséréné par la constatation du nombre d’amis inconnus qui se sont manifestés à cause de l’exposition de la rue Drouot ; – où la jolie préface du catalogue a tant aidé à éclairer ceux qui n’étaient pas initiés à ce que l’on veut bien appeler « mon œuvre ». – C’est pour te remercier très chaleureusement de cet acte d’extrême gracieuseté et de belle amitié que j’aurais voulu te voir. Ensuite a paru le bizarre & magistral article d’Haraucourt dont je suis très fier d’être le héros avec son pile et sa face. – L’un ne va pas sans l’autre. Je ne sais si ce sont toutes ces satisfactions artistiques, où le doux pays où me voici installé, mais je me sens revivre moralement et physiquement et je me sens le désir de refaire de beaux dessins, ce qui va avoir lieu ; si Pellet s’imagine que je suis à peu près mort, et qu’il peut se livrer sur ma personne et sur mes œuvres à tous les massacres possibles, je crois qu’il se trompe et qu’il trouvera à qui parler. Je le trouve assez naïf et en

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plus un peu enfantin. – Une chose m’agace en ce moment et je te prie de me répondre à ce sujet. Pellet veut reproduire la Tentation de St Antoine sans mon autorisation et dans une conversation qu’il a eue avec Demolder, il prétend que c’est toi qui lui a dit qu’il pouvait s’en passer. Je me refuse à le croire tant que tu ne me l’auras pas dit. Que ce soit ton opinion et que tu me l’a communique à moi ton ami c’est tout naturel ; mais que tu ailles dire cela à un marchand qui ne demande pas mieux que de ne rien payer du tout à l’artiste s’il le peut, je me refuse à le croire. Quoiqu’il en soit je ne me laisserai pas faire, et il se fera tant de bruit autour de cette affaire qu’une fois de plus les artistes seront mis en garde contre les méçènes qui achètent au prix de 400 frs ! des dessins comme celui en question et s’arrogent le droit d’en vendre la propriété artistique ! et de la garder !!

– Je suis devenu un ami embêtant, hein Mon pauvre ami Rodrigues, mais que veux-tu, il faut me prendre comme je suis ! – Le temps est exquis ici, Peu de soleil, un temps lumineux, aussi vais-je travailler d’arrache pied.