Lettre de Félicien Rops à [Léon Evely]

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Vos propositions me vont assez, & je les accepte pour l’avenir à quelques modifications près ou plutôt quelques observations dont nous parlerons tout à l’heure.

Pour l’instant occupons nous des vernis & des renseignements que vous me demandez. J’emploie beaucoup de mordants différents suivant le travail à faire ou « la couleur à obtenir car tous les mordants donnent une morsure différente, même en creusant à la même profondeur exacte c’est un secret en Dieu & les acides. Il y a vous le savez en chimie une foule de choses inexplicables : ainsi sur une plaque de cuivre soumise à l’acide azotique un trait isolé mord moins profondément ou plutôt moins rapidement que deux ou trois traits réunis – de la même profondeur.?? Pourquoi ? On ne sait pas.

Le perchlorure de fer est un bon mordant je l’emploie concentré ou étendu d’eau suivant la morsure que je veux obtenir. Je l’achète à l’état sec, l’humidité de l’air dans une chambre sans feu suffit pour le liquéfier. – Dans cet état il est assez violent. Il faut remuer sans cesse le perchlorure de fer avec un pinceau ou en inclinant la planche, sans cela

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le précipité se loge dans la taille & donne de la lourdeur au travail. La force du perchlorure diminue vite & il faut souvent le renouveler pour lui garder de la vivacité, sans cela il se charge de précipité & ne donne plus bientôt qu’une morsure lourde & molle..

N.B. Les tailles mêmes légères au perchlorure sont noires – relativement.

C’est un bon mordant somme toute, très sage ne faisant pas de farces comme l’acide azotique mais n’ayant pas son brillant.

J’emploie quelquefois aussi le Bichromate de potassium, qui donne plus lentement, mais aussi sagement que le perchlorure, des morsures intéressantes. Voici encore un autre acide : Eau-forte à base de Chlore :

P[ou]r un litre :

Chlorate de potasse 20 gr.

Acide Chlorhydrique

(fumant) – 100 gr

Eau distillée 880 gr

Teinte fines en 15 minutes – grand noirs en 4 heures

ou : Acide chlorhydrique fumant contenant généralement 40% d’acide pur.

…………10 parties

On y ajoute une dissolution bouillante formée de : Chlorate de potasse : 2 parties

Eau dist. – 20 parties.

Même acide que le précédent mais un peu plus vif. Je me sers du premier.

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Je vous donne les formules de ces acides parce que ce sont surtout des acides à retouches & je vous dirai pourquoi :

Je me sers pour retoucher de vernis blanc en boule, le vernis mis sous taffetas blanc & tamponné avec un tampon également en taffetas blanc. Ce tampon se charge vite de vernis et devient dur. Chaque fois que l’on s’en sert il est bon de le décharger en le chauffant, ou plutôt en chauffant une plaque de cuivre et en tamponnant à sec sur la plaque. Le vernis en trop reste sur la plaque. On peut du reste ne pas faire chaque fois cette opération.

Ce vernis en boule est transparent, et très commode, il ne faut pas le mettre trop épais & il faut un peu d’habitude. Il laisse voir à travers son épaisseur la taille primitive, comme si la planche était nue. Il résiste assez bien aux acides. Il vaut mieux opérer dans une chambre chauffée, car par le froid, il pourrait s’écailler

Durosiez – boulevard St Michel, un vieux pharmacien-chimiste a inventé un vernis fluidepeu coloré, quoique brun& dont certains graveurs se servent. Je l’ai essayé, – il laisse bien voir la taille mais il est long à sécher. Il s’applique au pinceau.

Le même Duroziez a aussi inventé deux autres vernis-blancs ceux là pour graveur : un vernis Copal à l’essence et un vernis : Élémi à l’essence. Il faut aussi les appliquer au pinceau & attendre le lendemain pour travailler. Le vernis Copal résiste très bien aux acides, mais si le travail se prolonge plus d’un jour il s’écaille ce qui est désagréable. – Celui à l’Élemi ne vaut rien. –

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Somme toute on ne se sert guère que de deux vernis :

1° Le vernis en boule blancdont les formules varie & que l’on trouve tout fait chez les marchands.

2° Le vernis fluidepour graveurs, – brundu père Duroziez.

Tous les deux laissent bien voir la taille. L’avantage d’employer le vernis blanc, malgré ses défauts, c’est que si on fait mordre avec les « chlorhydriques susnommés la taille paraît noire – positive, – un avantage. – Il faut aussi ne pas oublier que la taille à travers ce vernis paraît plus mordue qu’elle ne l’est réellement.

Quand vous viendrez à Paris (j’irai vous donner une conférence à Bruxelles sur la gravure à l’eau-forte peut être auparavant) passez chez moi, je vous expliquerai tout cela beaucoup mieux par une leçon pratique. Je n’ai jamais essayé la bitume dans la benzine, cela ne doit pas donner un vernis bien résistant, comme toutes les dissolutions, s’il est trop sec vous pouvez y ajouter de la Cire blanche pure à l’essence de Duroziez en petite quantité. C’est ce que l’on emploie pour assouplir les vernis.

Cependant je crois que ce vernis résisterait au perchlorure, réduit (de 18 à 20 degrés au pèse-acide) avec l’eau distillée. Pour l’ivoire j’emploie une dissolution de vernis blanc dans l’essence de lavande, ou de vernis en boule noir dans l’essence de thérébentine parce que ne pouvant pas chauffer l’ivoire, je suis forcée de vernir au pinceau.

Le blanc dissout dans l’essence de lavande ou dans l’alcool rectifié pourrait je crois vous rendre des services. –

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Dujardin l’héliographe emploie beaucoup pour ses morsures le perchlorure de fer. Revenons à vos propositions. Je les accepte en principe. Vous me ferez une reproduction pour un croquis – quatre reproductions pour un dessin ou quatre croquis.

Je n’y mettrai qu’une condition qui est toute naturelle : vous ne reproduirez pas ces croquis, car je garde la propriété de toutes mes œuvres & vous vous y engagerez. Maintenant pour les planches de plus grandes dimensions nous pourrions nous entendre de cette façon, – la même : Je vous ferais un dessin pour deuxreproductions plus grande ou quatre croquis –

Pour les très très grandes reproductions un dessin ou quatre croquis.

Seulement je tiens à ce que vous puissiez m’envoyer le maximum des deux dimensions

La première dans les 18 centimétres : un croquis

quatre reproductions pour un dessin ou quatre croquis

La secondeplus grande

deux reproductions pour un dessin ou 4 croquis

La troisième

ad libitum

ou à peu près :

un dessin ou quatre croquis pour une reproduction.

Les croquis accompagneront les pièces

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à reproduire & seront payés d’avance.

Ces reproductions naturellement – (comme les croquis) seront à la plume ou au crayon à mon choix.

Si vous le voulez je pourrai remplacer le dessin par une étude peinte si celles ci vous vont, je vous en enverrai à l’essai.

– Nous allons faire prochainement nos premiers essais, mais envoyez moi avant tout les carrés de papier les dimensions convenues afin que nous ne tronpions pas – de bonne foi d’ailleurs & que nous sachions bien à quoi nous en tenir.

– Ce sera aussi naturellement une question de bonne foi pour les croquis – je parle de cela à propos de « la dimension » certains croquis de peu de dimension – comme la plupart de mes croquis d’ailleurs – valent mieux que des croquis plus poussés.

Tout cela est une affaire de bonne foi évidemment.