Numéro d'édition: 0515
Lettre de Félicien Rops à [Léon Evely]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Léon Evely
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1888/03/17
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
III/215/1/12+III/215/1/12b+III/215/1/12c
Collationnage
Autographe
Date de fin
1888/03/17
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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17 mars 1888.
Mon Cher Evely
Je « mettais dans la 1ère quizain d’avril >
Seulement, il est entendu que notre compte sera réglé à partir du 15 avril prochain, & que toutes les planches que vous avez chez vous feront partie de ce compte.
– Au reçu de ces dessins, vous me donnerez une réponse pour me dire
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si vous les prenez ou si vous les refusez, & dans ce cas vous me les renverriez le plus tôt possible, car j’ai amateur, & amateur pressé, aussi de son côté. Mais mettons de l’ordre dans ma lettre :
J’ai quelque chose sur le cœur, Mon Cher Evely, & je vais tout de suite me décharger de ce poids : Une singulière chose m’arrive : MrDeman avec lequel vous êtres en relations, m’avez vous dit, a proposé à un de mes marchands : Mr Duringe, de lui vendrepour un prix de : ….. deux planches de moi avec un certain nombre d’épreuves de ces planches !! Ces planches, précisement, sont deux planches pour lesquelles vous m’avez prêté votre aide de photograveur. J’ai montré à Mr Duringe ces deux planches, qui sont chez moi, dans mon armoire, donc, elles ne peuvent à la fois être chez moi, & chez Mr Deman, si vous n’avez exécuté qu’un exemplaire de chaque planche !! D’autant plus, que des photograveurs étrangers, n’eussent pu exécuter de reproductions passables, d’après les épreuves de ces planches, puisque les planches retravaillées par moi, ont été couvertes de pointe sèche, & la pointe sèche ne peut se reproduire en photogravure, proprement. – Il me repugne à croire que vous avez trempé dans cette petite saleté, mais enfin si vous l’avez fait Mon Cher Evely, dites le moi, franchement, je vous pardonne d’avance, je suis fort indulgent, le besoin d’argent, duquel tout le monde est tributaire, fait quelque fois faire des choses répréhensibles, & celle-là l’est fortement ! Vous m’avez manqué de parole en vendant des dessins que vous ne pouviez pas vendre, (mais je n’avais pas tenu exactement mes engagements de mon côté ;) ici la chose est plus grave : Mr Deman a dit à Mr Duringe qu’il lui donnerait les preuves de l’authenticité de ces planches. Cela me paraît un peu violent !!
Donc 1° Répondez moi franchementMon Cher Evely, à ce sujet. Ne vous gênez pas, je vous pardonne d’avance, je vous le répète.
2° Envoyez moi la liste déja réclamée : des planches faites à ma disposition, comme celle de la Guillotine, des
en plus celle des dessins à moi appartenant que vous avez chez vous &c &c <
3° Si vous ne prenez pas les Sataniques, je vous enverrai douze croquis. Le
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moindre de mes croquis se vendant pour l’instant cent francs. Comme vous pouvez vous en assurer par les ventes de la Salle Drouot, (Et il y en a déja eu trois, avec grandes affiches, depuis le mois de novembre,) je crois que nous serons au pair. – Si cela ne vous allait pas je vous enverrais le nombre de croquis que je vous dois mais ces soixante croquis ne représenteraient que la valeur des douze autres que je vous propose, & pour lesquels vous m’écrivez une lettre (– comme pour les Sataniques d’ailleurs) – par laquelle vous vous engagez à ne pas vendre ces dessins ou ces croquis avant un laps de dix années, ou après ma mort, si cet accident que je déplore, arrivait avant l’année 1988, ce qui peut arriver !
Voilà une question traitée.
Je tiens beaucoupà faire des affaires avec vous, Mon Cher Evely, mais pour que je puisse vous donner les dessins ou les croquis que je veux vous donner, il faut que je ne les retrouve pas chez mes clients. Sans cela j’aime mieux les leur vendre & vous payez le prix de mes photograveurs de Paris, j’y gagnerais beaucoup ! –
– Naturellement je changerai mes conditions qui maintenant ne peuvent plus être les mêmes ; nous prendrons de nouvelles dimensions, & aucune planche ne dépassera : deux croquis. Sans cela j’aime mieux Paris !! quoique pour le trait je vous l’ai dit,
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ceux que j’emploie, font moins bien que vous. Mais j’emploie rarement la plume – Je ne demande que des préparations à mes vernis mou, & cela quand je suis pressé.
Votre proposition, Mon Cher Evely, de vendre de mes gravures m’agrée, pour certaines choses : pour les planches que je destine à l’entière publicité. Et je compte faire pendant l’Été justement tout un ablum de ce genre. Quant aux planches libres ou demi-libres, je les tire à soixante épreuves dont cinquanteseulement sont mises dans le commerce. Je pourrais en vendre 500 ici & sans la moindre difficulté. Les marchands attendent toujours. Vous n’avez pas compris « mon genre de travail ». Je tiens à ce que ce que je fais reste rare. Comme je l’ai écrit à Picard, je me fiche de l’auberge « o[ù] s’empiffre les voyageurs à billets de parcours. » J’ai horreur de la réputation banale & un peu de l’argent gagné, en se prostituant aux sots. Je suis comme cela ! si je n’étais pas comme cela, avec mon incessante préoccupation d’art & d’art qui veut « faire mieux » & « monter plus haut », je ne serais pas moi, – je serais : Machin, j’aurais « de l’argent » je serais décoré de « Liopol » & grand homme Bruxellois !
– L’Honneur, sans plus, du verd Laurier m’agrée,
dit le vieux Ronsard. – Dans une
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réunion de peintres, dernièrement, un des plus célèbres d’ici, disait : ce qu’il y a de beau chez Rops, c’est qu’il est avant tout : une Probité Artistique, & que la question d’argent ne vient qu’après la question d’art. Et c’est vrai, – & cela devient rare.
Quant aux dessins, je vous en enverrai à vendre labàs, nous fixerions un bénéfice régulier sur tout ce que vous vendriez Mon Cher Evely, & je crois que nous pourrons nous entendre.
– Je suis très étonné de la façon d’agir de Mr Deman que je croyais être un trafiquant d’un ordre plus élevé, un peu, que Sacré, Triste Macaire, & autres libraires de grand Chemin.
Je vous serre la main Mon Cher Evely & j’attends votre réponse avec impatience.
F. Rops
P.S. Je ne relis pas ma lettre, je n’ai que le temps de la mettre à la boîte. Comprenez la si v[ou]s pouvez elle doit être d’un décousu effroyable. J’ai depuis le matin une migraine qui m’ôte toute perception & je ne sais pas même si cela ne m’a pas ôté l’orthographe en mon abrutissement !
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Un dernier paragraphe Mon Cher Evely, pourriez vous me dire si on peut trouver à Paris les illustrations que Mr Hannoteau a faites pour Baudelaire ?
Si on ne peut les trouver à Paris, voulez vous me les faire envoyer de Bruxelles contre remboursement ? C’est pour un de mes amis qui collectionne toutce qui a été gravé ou dessiné sur Baudelaire. N’oubliez pas ce Nota-Bene je vous prie, vous me rendrez service.
À V
Donc : 1° Explications Deman
2° Liste des planches
3° Liste des dessins
4° renseignements Hannoteau.
À bientôt.
J’irai très probablement à Bruxelles v[ou]s porter les dessins en commencement d’avril. Je vais vous envoyer une aqua-tinte faite sur une reproductiontrès légère photogravée, Il n’y avait qu’un souffle sur la planche.
Détails
Support
3 feuillets, 7 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
179 - 180 - 180 x 225 - 113 - 113 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR