Lettre de Félicien Rops à [Armand Dandoy]

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Tu vois un « homme embêté » le tableau est là, fini, mais il ne sèche pas le moins du monde, les verts restent aussi frais que s’ils venaient d’être peints. Je suis perplexe ! Que faut il faire ? Faut il te l’expédier comme cela ? Mais cela va arriver plein de poussière, tout cela va collerce sera affreux. À part le ciel, tout reste frais. Ne t’effraye pas de l’aspect mat un peu gris & terne du tableau, ou plutôt de certaines parties du tableau. Il est tellement embuqu’il parait sale & éteint, mais je connais cela – c’est une résultante de ma façon de peindre, & tu seras agréablement surpris en le vernissant. Il n’est pas fini. Tu peux reprendre bien des choses & en ajouter. Mais il est bien d’ensemble, ce qui est ne l’oublie pas le point principal, le premier, le plus important dans un tableau. Que le tableau tienned’un bout à l’autre. Il y a encore des dissidences dans les coins, mais elles étaient impossibles à enlever. Aussitôt que tu l’auras reçu tu me l’écriras. N’oublie pas en le vernissant de le laver plusieurs fois avant de le vernir avec de la pomme de terre râpée & à grande eau plusieurs fois. C’est nécessaire, cela dégraisse, solidifie la couleur & donne de l’émail. Puis cela enlève les restes inaperçusde pastel & de fusain qui se mêlent souvent au vernis & le salissent. – J’ai du refaire un avant plan entier parce que cela tombait tout à fait & le personnage n’eut pu s’y placer.

Travaille, j’irai à Namur si tu arranges l’affaire de Frantz Kekeljan. Je suis persuadé que si tu arranges bien tes grègues nous pouvons nous faire beaucoup d’argent chacun une quatraineou une sixainede mille francs par an. Pourquoi pas ? un tas de peintres fort ordinaires se font en Belgique sans difficulté vingt mille francs par an.

J’ai des masses d’études que je peux t’envoyer tu les grandirais & tu ferais à Namur ce que le père Marinus faisait ; avec plus

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de chic & avec plus de chances de succès seulement. – J’ai ici un Poilvache que je je donnerai à grandir. Tu en feras sur nature une photographie. –

Du reste nous nous arrangerons pour les vues quand j’irai chez toi.

La Tentation de St Antoine a été achetée par l’avocat Picard qui avait déja « l’attrapage». Il faut que tu tâches un jour de voir ces deux choses là.

Personnen’a vu ton tableau & personnene verra jamais ce que nous ferons ensemble. C’est une condition absolue de notre collaboration. Comme j’habite Paris personne ne soupçonnera notre travail en Commun. Si quelquefois à propos des personnages on s’en apercevait. Tu peux fort bien dire que je t’ai fait une foule de croquis de personnages pour étoffer tes paysages & voilà tout. N’oublie pas cette recommandation. Émile Hermant de Gand, le docteur, lorsqu’il est venu ici, me disait que tu faisais de grands progrès, ce qui est vrai dailleurs. Tu vois que l’on ne s’étonnera pas trop si tu fais de bons tableaux. Inutile de dire la chose à personne. Tu en seras plus à ton aise & moi aussi. À Frantz Kekeljan tu peux faire une histoire si tu veux. En cela, tu sais ce que tu dois faire. Je ferai rapidement les choses que tu m’enverras. Seulement comme je te l’ai dit tu devras t’occuper activement du placement de tes tableaux à. Bruxelles & un peu partout. Rien que la province de Namur peut fournir bien des clients ! – Dis moi donc si je peux expédier ton tableau sans être sec. Cela m’inquiète. Tâche d’avoir l’adresse de Lambotte & de savoir s’il vit encore. Je voudrais le voir pour bien des raisons.

Veux tu grandir deux ou trois tableaux ? As-tu le temps ? Je t’enverrais des études faites par moi. un peu partout, en Bretagne & à Blankenberghe. Et cela fera des tableaux.

Écris vite. J’enverrai à cette adresse :

Monsieur Armand Dandoy

En douane à Namur

Est cela ? – Informe toi de la formule.