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Dimanche 16 janvier 1892
Mon Cher Ami
je te prie de venir Mardivers trois heures. Aquarelle finie. Horrible peinture !! : ressemble à un Puvis de Chavannes traduit par Maurice Leloir, et peint par Vibert. Je suis hanté. Dès que je touche un crayon, un sale artiste qui est dans ma peau se substitue à moi-même, travaille en mon lieu & place, et me force à faire des « œuvres » les plus opposées à mon « moi » qui soient au monde. C’est la carte forcée en Art !
– Et cela m’a couté trop de peine pour qu’on puisse y croire & que je le dise.
Je te prie d’insister auprès de Mr Paillet pour que l’entièretédu prix de ce dessin me soit payé. Au train dont je travaille, je gagne à peu près la journée d’un maçon, mettons d’un « compagnon maçon ». Donc le patron ne doit pas encore me faire « des retenues » sur le salaire. – Sans cela les Bossus vont encore être remis à Pâques. Et c’est sur cette Aquarelle-là que je compte me réhabiliter vis à vis des honnêtes gens. Ce sera je l’espère la meilleure* du livre. – Obtiens aussi je te prie que l’on me « prête » une épreuve des planches déja parues. J’en donnerai reçu !!!
– On me forcera à faire : soit des répétitions soit de fausses dimensions. J’ai besoinde voir ce que j’ai fait. Ne fut ce que pour que Zadig ait le même type, Sacredieu !
– Enfin tout cela fera un fichu livre, et le pauvre Gaujean fait aussi mal que moi ! ce
*mettons : le moins pire !
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qui n’est pas peu dire !
Donc Mon Vieil, à Mardi je te prie. J’ai été très malade & au lit, mais comme c’est vrai cela passera pour une blague.
À toi bien Mon Vieux Rodrigues.
Félicien Rops « de l’Institut »
Je le mérite ! Nom de Dieu !