Numéro d'édition: 1242
Lettre de Félicien Rops à [Joséphin Péladan]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Joséphin Péladan
Lieu de rédaction
[Paris]
Date
1893/03/25
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/7043/66
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
25 Mars 1893
Mon Cher Péladan,
Il vous faut bien m’excuser de ne pas vous « avoir écrit » comme je vous l’avais dit. – Je vous dirai que depuis quelque chose comme un an et même un peu plus, je ne vis guère ! Une maladie d’yeux m’a plongé tout vivant dans les enfers du Dante, – section des Désespérés ! J’ai éprouvé toutes les affres par lesquelles l’horreur de la cécité peut plonger un homme qui tire ses grandes voluptés des yeux, et dès que je sens se manifester dans ma vue quelque trouble anormal, j’en tremble plus que de raison, j’en gagne une peur enfantine, & je fuis tout travail, même l’écriture ! Je voulais aller vous voir pour vous serrer la main, vous expliquer que le résultat de mes souffrances, et leur conséquence, était la viduité complète de l’atelier, et l’impossibilité de prendre part à votre exposition, – à mon grand regret ! En effet tous les artistes, je ne dis pas tous les peintres, vous doivent féliciter pour l’excellente idée de cette exposition « idéaliste ».Vous rappelez-vous nos bonnes et esthétiques conversations de l’atelier de le rue Drouot ? et nos désiderata pour la mise en œuvre de nos aspirations d’outre-vie ? Je vous disais : que la Peinture était un art matériel
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avant tout, & que ceux qui peignaient pour le plaisir des yeux étaient seuls des peintres, mais qu’à coté de cet art court, et puissant, il y avait place pour un art d’une plus haute envolée, que les Primitifs avaient célebré, et que certains Flamands mêmes, avaient entrevu, dont : Breughel « d’Enfer » ; et où le Rêve, descendant sur la toile, créerait son interprétation. (Ce que je vais dire dans un article que je vais publier sur votre salon
La relation de Rops à la peinture est complexe. Graveur, sa préférence allait à l’ « eau-forte de peintre », et la peinture est toujours restée pour lui un refuge et un mode d’expression idéal, même s’il ne peignit qu’irrégulièrement..
Quand vous serez moins occupé, nous causerons de bien des choses,
& nous nous rencontrerons comme toujours, en bonne communion dans ce bel amour de l’Art, qui nous flambera jusqu’à la mort au Cerveau, et qui sauvera le monde ! – s’il doit être sauvé !
À vous Mon Cher Péladan une ancienne poignée de main,
Félicien Rops
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
179 x 226 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR
Commentaire de collaboration
Source : Hélène Védrine, Correspondance inédite, Félicien Rops-Joséphin Péladan, Paris, Séguier, 1997, p. 251-253.