Numéro d'édition: 1339
Lettre de Félicien Rops à [Octave Pirmez]
Texte copié
N° d'inventaire
Amis/LE/011
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Les Amis du Musée Félicien Rops
Page 1 Recto : 1
Voilà bien longtemps que je dois t’écrire, à toi cher poète de l’automne – la saison chère aux âmes vient de passer, les feuillées du Bois-Joly se sont empourprées comme les jeunes filles ptysiques, elles ont de vagues rougeurs et de fugitives lueurs avant de se laisser emporter par le vent d’hiver ; les corbeaux passent tristement, gravement, ils partent sans gaieté, sans espérance, sans vous engager à les suivre, comme s’ils accomplissaient un devoir ; – les alouettes et les linottes, elles, disaient en gazouillant aux poètes : allons tous ensemble vers le soleil, laissons les hideux bourgeois au nez pleurards prendre leurs socques, leurs cache-nez et réchauffer leur bêtise : allons vers l’Orient, allons vers l’Amour ! – et elles sont parties sans nous !!. – Les alouettes m’ont fait songer à l’Italie et l’Italie me fait penser à Smits, c’est une âme errante et chercheuse d’infini, avide d’Idéal, chaque fois que je pense à lui il m’apparait comme le fantôme attristé de l’Aspiration ; – j’en connais beaucoup de ces âmes affolées de la grandeur du Passé, ce sont des esprits purs, pleins de saintes convictions ; – ils anathématisent de haut ! – mais ils ont tort ; – Au lieu d’ouvrir les yeux et d’écouter leur cœur, – ils ont pâli dans l’étude du Passé, ils y ont puisé des systhèmes, ils ont cru trouver dans une époque le point culminant de l’Art ; au lieu de regarder la nature, ils ont regardé des tableaux et ils ont retiré de leurs méditations un corps de doctrines inflexibles et immuables ; ils se sont faits les gardiens des tables de la loi ! – et lorsque la vie rayonne autour d’eux dans sa sublime et éternelle Beauté, – ils se font violence et ils détournent la tête ; – ils mourront debout ! –
Page 1 Verso : 2
Les bourgeois eux, nous appellent : « réalistes » sans savoir ce que c’est ; et ces grotesques pantins, dont les faces abâtardies reflètent tous les vices mesquins et ignobles nous accusent de « faire laid » Non ! nous ne fuyons pas la lumière, ni les prairies pleines de soleil, ni les grands aspects, ni les figures jeunes et épanouies, ni les vêtements brillants ; – mais nous nous arrêtons aussi par un ciel sombre et pluvieux devant un aspect triste et nu, nous regardons passer avec un regard de sympathie le malheureux trainant un pesant fardeau, ou la fillette vêtue d’un mince jupon et dont l’œil brille sous ses cheveux en désordre ; – Nous peindrons la redingote crasseuse de Mr Vautour et la ceinture dorée de Marco, mais nous saurons peindre aussi le laboureur, fort et puissant comme les hommes de la Bible, qui ramène le soir ses grands bœufs aux naseaux fumants !
Page 1 Verso : 3
pronée par les prétendus Idéalistes n’est, elle, que l’expression la plus absolue du véritable matérialisme. Ô les académiciens et les bourgeois majestueux ! ceux qui disent de tes Feuillées, mon cher Octave, « ça cela n’est pas un livre sérieux » ou, « c’est d’un rêveur » ces bourgeois majestueux, crétins sinistres qui en toute occasion se mettent à défendre « la religion et la société » pour faire croire à leur vertu et à leur moralité (cet éternel dada dada de Mr Prudhomme. Les religions
Détails
Support
.
Dimensions
208 x 268 mm
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)