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26 octobre 1890.
La Demi-Lune par Moulin Galant
(Seine & Oise)
Monsieur,
J’étais en Belgique lorsque votre lettre est arrivée place Boieldieu. Excusez je vous prie le retard involontaire apporté à ma réponse. – Je crois que le dessin dont vous me parlez est de moi. Il y a quelque temps, un étudiant en droit : MrVollard, m’a montré un dessin semblable à celui que vous me décrivez, et celui là est de moi. Il y a eu deux ou trois épreuves, peut être quatre de la portière de Jacquemart, avec les taches d’aqua-tinte. Cette planche n’a d’autres mérites que sa rareté d’ailleurs.
– Le dessin dont vous me parlez a été gravé par moi au vernis mou. Il est resté au premier état, la planche est un peu grise. Je crois qu’il est mentionné au Catalogue Ramiro, sous le titre Violence.
Je vous dirai monsieur, que je suis moi-même peu au courant de ce que l’on veut bien appeler : « mon œuvre. J’espère faire « haut » mais ce jour n’est pas encore arrivé. Je rêve un art neuf, et plus intense, mais quand je m’en approche, il s’éloigne, comme les mirages que je voyais dans les Chotts, près de Tuggurth, au fond des Saharas et, d’où j’espérais ne jamais revenir.
Ceux qui m’appellent un maître se trompent :
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Je ne suis qu’un : « Chermaître » comme tout le monde !
Recevez Monsieur l’expression de mes meilleures Civilités & de ma gratitude pour l’intérêt que vous portez à ces œuvres « Inutiles ou Nuisibles » !
Félicien Rops
P.S Je confie cette lettre à un de mes amis qui la jettera à la boîte à Paris, ce qui la fera arriver à la poste à Rouen un jour plus tôt.