Lettre de Félicien Rops à [Charles Archbold-Aspol]

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J’ai grandement à me faire excuser, mais je me suis trouvé depuis deux ans dans des conditions de santé qui m’ont empêché tout travail, comme vous avez dû vous en apercevoir. Lorsque votre lettre est arrivée je venais de perdre un petit enfant qui venait de naître, mais qui était si attendu et déjà si aimé, que nous l’avons pleuré comme s’il avait passé de très longues années auprès de nous. Cette perte m’a navré, et je n’ai pas eu le courage de vous écrire.

Je vous enverrai d’ici peu de jours le premier fascicule de nouvelles eaux-fortes et d’anciennes qui n’ont pas été dans le commerce, et je continuerai à vous les envoyer jusqu’à concurrence de cinqs cents francs, qui représentent n’est ce pas la somme que vous m’avez avancée ; (si c’était plus, veuillez me le dire je vous prie, car je me rappelle pas bien les faits,) si vous préfériez rentrer dans votre argent Mon Cher Monsieur Archbold je vous demanderai quelques semaines pour m’acquitter, le temps de me remettre un peu des différents coups que le sort ma octroyés, et qui ont été un peu trop durs. – Je n’aime pas à

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trop à raconter mes peines, elles ne peuvent intéresser que vos proches, et puis je crois qu’il faut être très riche pour se permettre ce véritable luxe. Sans compter les arrêts dans mon art, réelles souffrances que ne peuvent connaître ceux qui ont un art, courant, impeccable, tout fait, qui plaît aux masses, et satisfait leur idéal. J’espère arriver à autre chose, si vieux, que je sois, et obtenir par ma sincérité en art, par la loyauté de mes recherches, sous peu, un renouvellement de « mon faire » et de ma vision qui sera une récompense à moi-même. Vous savez le mépris très complet, résumé dans mon épigraphe : « J’en ai besoin de pas un » fais-je dire par la bouche du vieux Montaigne, – que j’ai pour l’opinion artistique des autres. Ruysbroëck l’admirable, la professait déjà, il y a bien des années : « Il faut que je me réjouisse audessus du temps, quoique sa grossièreté ne sache plus ce que je veux dire. » Je sais que lorsqu’un artiste ne continue pas à faire ce que le public commence à comprendre, et cherche « plus loin » et plus haut, il perd sa faveur, ce qui est déja une preuve de distinction ; mais de cela : point ne me chault. N’ayant jamais rien fait pour mériter cette faveur, si je l’ai obtenue, et j’espère le contraire, elle me fera quelqu’honneur en me quittant. Je ne hais pas la solitude artistique. Ce sont les oies qui vont en troupes, les lions vivent seuls. Je crois que pour un homme se comparer au rois des animaux n’est qu’une preuve de modestie.

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Donc : Mon Cher Archbold, je me résume : si vous le voulez je vous enverrai le premier fascicule d’eaux fortes à vous destinées, dans quelques jours. Si cela ne vous plaît point je tiendrai ou plutôt je vous enverrai 500 frs dans quelques semaines. Si vous le préferez encore fin mars je peux vous envoyer une très jolie aquarelle qui est commencée & dont le prix, – prix marchand sera de cinq cents-francs (si elle continue à « bien venir » C’est une femme couchée sur le ventre et découverte par un satyre en habit noir. – Je vais la graver ; D’ailleurs je peux vous l’envoyer, et si elle ne vous plaisait pas, ne vous gênez pas pour me la renvoyer