Numéro d'édition: 1749
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1891/03/23
Commentaire de datation
La lettre a été rédigée en deux temps. Rops a écrit la première partie en date du lundi 23 mars (en 1891, le 23 mars tombe un lundi et non un 24). Il a ensuite repris son propos le mercredi 25 mars.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/78
Collationnage
Autographe
Date de fin
1891/03/25
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Paris 24 mars 1891
Je vous remercie de vos bons & rapides renseignements Mon Cher Rasenfosse. Je vous avais demandé de me répondre rapidement, et malgré le repos postal du Dimanche. J’ai reçu ma lettre demandée, à midi, aujourd’hui Lundi. Je me suis mis immédiatement à l’œuvre. Il s’agissait de peu de chose : faire deux ou trois croquis de remarque sur une mauvaise photogravure représentant en réduction, une de mes vieilles photogravures. J’ai mis moitié de N°5, & moitié de n°6. Je ne sais pas si je me trompe mais le grain m’en a paru donner plus fin. J’ai opéré avec du papier blanc serpente à fleuristes. (À propos de serpente, ne connaissez vous pas un moyen de rendre ce papier plus transparent, pour les retouches ? J’ai essayé de le huiler, mais c’est un mauvais moyen parceque, sous la pression du crayon, le papier s’il n’est pas sec, transporte de l’huile sur le travail, & s’il est sec, il perd de sa transparence.
Votre petit vernis marche bien, mais il ne me paraît avoir quelques défauts cependant : D’abord mis un peu épais, il sèche trop lentement, & si on remet de l’acide lorsqu’il n’est pas tout à fait sec, le petit vernis surnage au dessus de l’acide ; – J’ai fait mordre avec du perchlorure, et pressé dans mon travail, cela m’est arrivé deux fois. Il faut donc faire attention à ce qu’il soit très sec, avant de faire une nouvelle morsure. Enfin tel qu’il est, il est encore supérieur à tous les autres. Si sa siccité pouvait encore être plus complète, ce serait parfait. – J’ai remarqué aussi que sur le vernis mou, il sèche moins vite, c’est probablement la pâte du vernis mou qui se mêlant au vernis à couvrir, empêche celui ci de sécher rapidement. Vous recevrez demain
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une épreuve de la reproduction de la lithographie : une lourde photogravure, elle n’aura d’autre mérite que son excessive rareté. Je vous l’envoie pour « les remarques » de marge. Il y a deux ou trois croquis sur les marges, faits à la diable & mordus idem. La petite femme mi‑nue me parait intéressante au point de vue du modelé. Tout cela n’est pas assez poussé, mais on sent que cela pourrait l’être, si l’on voulait, affaire de temps.
N’oubliez pas de faire des études sur l’acide nitrique, il me paraît donner au vernis‑mou un mordant que les autres acides ne donnent pas, et cela se comprend : le perchlorure laisse tomber un dépot dans la morsure comme l’acide chlorhydrique. L’acide nitrique lui lave la morsure, & elle y gagne du pétillant. Il serait préférable pour certains travaux. – Son désagrément c’est sa violence, même lorsqu’il est dilué. Le vernis que j’ai employé : (mi parties n°6 & n°5 broyées ensemble à nouveau avec soin) m’a paru très bien résister à du vieil acide nitrique à 20 degrés. Puis pour la retouche on voit plus difficilement le travail fait en premier état, tandis que le perchlorure & le chlorhydrique se voient en positif, et sont meilleurs pour les tons veloutés & peu profonds.
Dans le procédé que vous m’avez donné pour faire un acide « en profondeur » acide chlorhydrique & acide nitrique mêlés sur de vieux clous, je voudrais les mesures, même des vieux clous !!! J’ai horreur des hasards, cela m’a mangé ma vie ! J’y ai perdu dix ans !!
Si l’on « vernissait » à l’aide » du vernis Schœnée par exemple le papier serpente ? Je vais essayer demain, essayez aussi. Il serait plus transparent que les calques à grains. Il est absolument nécessaire, de première nécessité d’avoir pour les travaux fins, un papier serpente translucide. Le papier « translucide » des marchands est un papier verni à ce que je crois, je vous en envoie un morceau dans cette lettre. Sur les vernis, au travail, il donne de mauvais résultats par son manque de grain, puis il est trop brillant, et la lumière du vitrail s’y reflète, cela gène. Les calques à grain donnent gros, généralement.
Le dos de la petite femme mi‑nue, vous paraîtra fin de grain, mais il est obtenu par des morsures successives en premier états (dont je n’ai pas le temps de tirer des épreuves, il fallait que toutes mes « remarques » fussent faites en trois heures !). Ce dos n’est donc pas le résultat franc d’une morsure. Nous ne possédons malheureusement pas encore de vernis qui nous donne cette finesse depuis « le vernis de l’Avocat » qui seul nous donnait un grain comme la photogravure en donne parfois, mais on peut remédier à la lourdeur relative de nos grains en travaillant sur des papiers très fins, – lorsque bien entendu les sujets & leur dimension l’exigent. Voici comment l’on pourrait procéder & comment j’ai procédé pour cette petite femme à fesses : J’ai fait mordre au perchlorure léger, un dessin fait d’un papier serpente. Après une première morsure légère mais qui me donnait un positif, j’ai remis du papier serpente & j’ai modelé à nouveau sur ma première morsure en employant beaucoup l’estompe de liège, fine & taillée. Les tailles qui ressemblent à de l’eau forte sont obtenues à la pointe à travers le papier serpente. Le vrai me parait‑il est de parfaitement voir à travers le papier, cela vous permet de ne faire que deux états, sauf les retouches au brunissoir. Un premier état pour créer votre positif à l’aide d’un acide colorant en noir, et le second complètement fait en voyant votre positif à travers un nouveau papier serpente. Je mets ce nouveau papier pendant une heure entre
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deux papiers buvard légèrement humectés, je le colle sur la planche par les bords, il sèche & se tend ; cette tension est nécessaire pour bien voir à travers le papier, et encore on ne peut guère bien voir ! même avec une loupe. D’où pour ce travail, la nécessité de 1° argenter avec du bleu d’argent pur. La taille en noir apparait alors en noir sur blanc ; opération tout à fait inutile, coûteuse un peu, pour de grandes * planches, & embêtante à faire, si l’on possédait un vrai papier translucide. On verrait alors parfaitement sa première morsure sur le nu du cuivre, sur le rouge naturel. Huilé comme je vous l’ai dit, et fraîchement, cela devient transparent, seulement cela graisse le vernis et gêne la bonne morsur. Étudions cela un peu, nous nous communiquerons nos résultats, car moins on fait d’états au vernis mou mieux cela vaut. Avec un papier translucide, on peut mener son 2e état comme un dessin sur papier blanc. Je sais bien que les calques donnent un peu déjà ce résultat. Mais il n’y a aucune comparaison entre le grain des serpentes & celui des
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comme nous le traitons ! quoi faire ? Tout cela est bien difficile à trouver aussi ! Le travail de l’outil est si long ! et difficile de même.
Ouf ! Voilà encore une formidable tartine ! Je crois que je n’ai jamais tant écrit qu’à vous, en mettant à part les belles Madames ! Et cependant je suis assez écrivassier de mon naturel.
Enfin ! pour prix de nos peines je suis persuadé que nous arriverons à faire le vernis mou des Dieux !! « Courage & Persévérance» comme dit Mr Carnot dans les distributions de n’importe quoi.
Je vous serre la main bien affectueusement
Féli R
J’ai dans ces croquis toujours employé le crayon six H Faber. Encore affaire de goût !
Ces photogravures « avec remarques » sont destinées à un nouveau grand catalogue de mes lithographies. – Personnellement, cette publication m’est plutôt désagréable. Je n’aime pas qu’on tripatouille dans mon passé artistique. Mais je ne peux refuser de faire des remarques sur ces horribles photos, à un Mr qui dépense dix mille francs pour faire votre catalogue !
Mercredi 25
J’ai essayé du vernis Schoénée pour le papier et cela donne le même résultat que le papier translucide, cela n’adhère pas
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pas au pap au vernis et l’estompe mord mal, comme le crayon. Puis encore des reflets : mauvais en somme. Il faut trouver autre chose !!
J’ai oublié de vous dire que jamais le n°6 ne m’a donné de bons résultats même à l’estompe ! Je m’en tiens au n°5. Peut être est ce que j’opère mal. Le grain est à peu de chose près aussi gros que le n°5 & trop sensible. Pour moi c’est encore le n°5 qui est ce qui a été trouvé de mieux. Le jour où l’on pourra obtenir une grande finesse de grain comme la chair de la Dame au Chapeau, nous y serons. Il faut arriver sans la boite, à un grain très fin.
À Vous
F
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Il faudrait obtenir cette translucidité mais sans verni. Les vernis sont mauvais Papier Translucide mauvais pour l’estompe & même pour le crayon.
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Papier dont je me sers pour de gros travaux avec Ropsenfosse, mais votre papier bleuté est meilleur en dessinant avec un crayon mou
1H ou 2H Faber
Détails
Support
2 feuillets, 6 pages, Vergé, Gris-vert?.
Dimensions
178 - 178 x 226 - 114 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR