Numéro d'édition: 1750
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
s.l.
Date
1891/01/30
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/79
Collationnage
Autographe
Date de fin
1891/01/30
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
30 janv. 1891
Et voilà comment Mon Cher Rasenfosse, en se préoccupant trop de son art, on arrive à ne plus pouvoir même s’en préoccuper, ni même s’en occuper ! Enfin j’espère que tout cela va s’envoler avec les papillons noirs, et que mes belles santés morales & physiques auront le dessus ! – Car franchement, je ne peux m’habituer à « être malade ». Mais il n’y a rien à faire contre les « maux inconnus » ou les Facultés n’y voient goutte, et les souffrances d’âme & d’esprit ne sont pas de leur ressort ! – Très curieuses, et m’intéressant fort ces planches d’essai dont vous m’avez très gentiment envoyé des épreuves. Parlons‑en un peu :
J’en tiens une sur laquelle vous m’avez inscrit : vernis n°6, entièrement fait à l’estompe de liége. Je vois une espèce de tête de moine, flanquée de petites têtes variées, une entr’autres, sous le buste de moine, une tête en cheveux, de profil, avec une lèvre débordante :
Croquis
a‑t‑elle été faite aussi à l’estompe ? le trait du profil est bien net ? Je vous prierai d’être un peu plus longuet dans vos explications. Ainsi il importe beaucoup de savoir si c’est gravé sur zinc ou sur cuivre, avec quel acide, & à travers quel papier. Vous devriez travailler un peu « plus proprement » comme disent les bourgeois, car la planche dont je parle me fait l’effet d’être pleine de piqûres.
Une autre planche : avec cette note : vernis N°6. Il ne remord pas. Pour mettre les tons d’aqua‑tinte, je me sers d’un pinceau en amiante de ma fabrication. Je ne comprend pas très bien : ces tons d’aqua‑tinte ont‑ils été mis sur un
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grain d’aqua‑tinte ou simplement à nu sur le cuivre (car ceci me parait gravé sur cuivre) à l’aide du pinceau d’amiante dont vous me parlez ?? Notez que dans mon impudente avidité, je réclame un exemplaire du pinceau d’amiante de votre fabrication !!
Il y a dans les épreuves plusieurs états d’une grande diablesse de femme en chapeau, faite d’abord à l’estompe, puis achevée à l’aqua‑tinte. J’ai été frappé, (et j’avais, souvent à mon détriment, été frappé de la même façon,) de l’effet que fait un grain d’aqua‑tinte posé sur de précédents travaux. Il annule presque complètement ces travaux. Ils sont mangés par l’aqua‑tinte. Lorsqu’on fait du vernis mou sur un grain d’aqua‑tinte, il faut faire mordre très profondément, sans cela on ne voit rien venir.
Le résultat de ces nouveaux essais dont vous venez de m’envoyer des épreuves me semblent concluents : Le n°6 est un bon vernis qui est plus fin que le n°5 et se prête mieux aux travaux d’estompe que le n°5. Mais comme travail de crayon je crois le n°5 plus « vernis mou ».
Il faudra maintenant vous attaquer à un travail plus important, une planche avec un sujet, que vous poussez jusqu’au bout. Je ferai de même de mon coté dans quelques semaines. Dès que je pourrai me remettre tout à fait au travail, – car je n’ai pas encore ma tête bien solide sur mes épaules, – et je me défie ! « Guarda la cabeza ! » me criaient nos guides aux endroits dangereux, dans les défiles de la Sierra nevada en Andalousie, lorsque nous voulions regarder le fond des précipices ! Ah oui ! il faut garder sa caboche !! Enfin ! je ne sais pas ce qui sortira de moi après cette « effervescence » mais j’ai bon espoir. Le catalogue de mes lithographies est en préparation. C’est le brave Ramiro qui s’est chargé de ce dur travail. Je vais lui faire deux pierres pour « orner » le volume. Je vous en enverrai des épreuves. Et j’acquitterai mes dettes y compris celle des Sataniques !! & j’enverrais des dessins à Mme Henrard ! – Je revis. Je ne sais pas si je ferai mieux, mais je ferai dans tous les cas ! Ah ! la vilaine année ! Elle me pèse encore sur la nuque. On a des nuits de cauchemar, moi, j’ai eu une année de cauchemar.
Je vous parlerai demain ou après demain des deux procédés dont vous me parlez : 1° la façon de faire votre nouveau perchlorure & de votre morsure à l’alcool mythilique, ou mithylique, si vous voulez !
À bientôt une nouvelle causerie & bonnes amitiés de
FR
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
179 x 227 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR