Lettre de Félicien Rops à [Jules Destrée]

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je ne peux quitter la bonne Wallonie sans vous remercier encore de votre exquise hospitalité, & sans vous dire tous mes regrets de ne pouvoir m’attarder plus longtemps à ces joies & à ces rares intimités. Oh mon Cher Ami ! la douce & charmante maison que la vôtre ! bonne à l’esprit & aux yeux, & à toutes les délicates sensitivités ; – et jamais je n’oublierai ce joli dîner à quatre, où il me semblait que le simple artiste que véritablement je suis, n’était plus « l’infâme Fély » des Légendes Conquérantes & grotesques, mais se sentait, – laissez-moi à jamais ces chères illusions ! – un peu aimé pour lui-même ; aussi en ai-je profité pour donner cours immédiatement à mes défauts, & à bavarder comme toutes les pies borgnes des bois de Sambre & meuse !

J’admire beaucoup, & j’envie même un peu, la précieuse pondération de votre Vous, qui, tout en vous gardant écrivain & très artiste, vous a permis de fonder tous ces bonheurs vrais. La statique de votre organisme est rare. Si j’eusse pu l’avoir, moi, le désiquilibré qui n’a jamais suivi que le vol triangulaire des Chimères se perdant aux azurs du Rêve, peut être eu-je été un grand artiste. mais : Dum Spiro, spero ! comme dit ma devise, et j’espère encore je ne sais quoi des Destins !

Et pendant que je vous écris ceci Mon Cher Destrée, le carillon du Palais des Princes-Évêques, me fait entendre, d’une sonnerie délicieusement chevrottante, un peu brisée, & un peu moqueuse aussi : voix des Chimères de tout à l’heure ! – son air du « Valeureux Liégeois » qui doit être de Grétry, un bon musicien, quoiqu’en dise Dommartin, puisqu’il a écouté son siècle, lequel le lui a rendu naturellement.

Présentez Mon Cher Destrée, toutes mes amitiés, oh ! bien affectionneuses ! – à la délicieuse femme qui est vôtre, homme aimé des Dieux que vous êtes ! – avec toute ma reconnaissance pour les belles heures trop tôt passées, dans le rayonnement qu’elle y apportait, – qu’Elles y apportaient, veux je dire, car MlleLouise Danse est une belle porteuse de rayons ! « Phoebusioïdes » ! eut dit mon vieux professeur de Botanique !

Transmettez mes Compliments & mes Civilités je vous prie à Mr votre père, & que les bons sorts protégent votre foyer, des sots & des faux artistes !