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Lundi 4 Déc. 1876
Mon Cher Théo,
Deux mots télégrammatiques : 1° Question du frontispice : Je le ferai avec plaisir, sur papier & je le porterai chez Yves & Barret, – seulement, – préviens ces messieurs & envoie moi la dimension exacte du frontispice. Je tacherai de l’avoir fini dans une huitaine de jours. – Ne pas mettre mon nom sous le fontispice, ni dire qu’il est de moi, mes contrats avec les éditeurs s’y opposent. – 2° Je n’ai rien reçu ni épreuves de « la Chrysalide » ni épreuves de la rue Sans Souci. Et je croyais Mon Cher Ami que – (ne recevant rien de toi,) tu avais renoncé à faire paraître une planche dans l’Album-Cadart, lequel Album-Cadart parait le dix Décembre. Ta planche ne sera pas perdue, expédie la à Cadart qui la fera paraître dans l’Illustration Nouvelle. Cela n’est pas perdu. J’ai fait dans l’Album Cadart une grande diablesse de planche : « À Monaco » Cela représente une fille portant des olives, sous les oliviers, croquée d’après nature la bàs, & mordue comme par un chien enragé ! C’est bien brutal & cela ne plaît qu’a quelques artistes. Il faut y regarder à deux fois pour s’apercevoir que cela n’est pas fait par un enfant de mauvaise humeur.
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Je peins & je travaille au Musset qui marche suffisamment. Je t’envoie une épreuve de la grande garse**Monselet dit garse & Paul de St Victor : garce ! de Monaco. – Cela est très rare, j’en envoie une épreuve à notre ami Lemonnier. Entre nous je trouve qu’il a bien du talent & je rage un peu, comme ami & comme Belge, de le voir rester trop en Belgique. Il y a ici une jolie place de conteur à prendre. Ce grand bêta de de Coster pouvait s’y asseoir, & Ne l’a pas voulu, & Camille y laisse pousser des champignons ! Tout cela me met fortement en colère contre l’endormement où vous plonge le bien être Bruxellois. –
Lis dans : La République des Lettres L’assomoir de Zola cela fait un bruit du diable dans notre Landerneau. Ce n’est pas de la littérature d’écorché mais de désossé. – Beaucoup de nerf d’ailleurs, à fleur d’os. Et en outre il y a, dans la République des Lettres des poètes qui ne se gênent pas :
……….
Je ne distingue plus
Jésus Christ de Bacchus,
La Vierge de Vénus,
Le Jour de la Nuit, l’une
De l’autre blonde & brune,
Et mon cul de la lune !
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dit le bon poète Raoul Ponchon en ses rêveries.
Je sors de la répetition de l’Ami Fritz d’Erckmann-Chatrian. – Très bien & très pittoresque comme costumes & comme tableaux – Le peintre Charles Marchal a tout peint & tout arrangé & s’en est bien tiré.
Envoie l’adresse de Yves & Barret & la dimension de ton frontal.
Au pas gymnastique & à bientôt
Je te serre la main
Félÿ Rops
Mes félicitations pour la défense de la Chrysalide contre la presse Prétentieuse & Académicale.
– Dire que Jacques est devenu « un vieux ! » – et m’appelle un écervelé & un artiste « exagéré » !!
Quantum Mutatus!
« Tout arrive » dit Sterne !