Fils de Louis-François et de Marie Panneels. Originaire de Louvain, son père était avocat à la Cour d’appel de Bruxelles. Sa mère, issue d’une famille de paysans et de commerçants à Saint-Job et dans la campagne uccloise. À la mort de leur mère, Camille et sa sœur furent élevés par leur grand-mère maternelle, Anne-Catherine Panneels. Désireux que son fils suive ses traces, Louis-François inscrivit Camille en 1861 à la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université Libre de Bruxelles, en candidature préparatoire en droit. L’année suivante, il débuta sa carrière d’écrivain à l’Uylenspiegel par l’intermédiaire de Charles De Coster. Il publia d’ailleurs le 26 octobre 1862 le conte Brosse et Tampon, l’année même où Rops cesse de contribuer à l’Uylenspiegel, ayant d’autres souhaits professionnels notamment sa renommée à Paris (pour plus de détails, voir Van Nuffel R. O.-J., « Lemonnier », Nouvelle biographie nationale, vol. 2). 1869 coïncide avec « l’émancipation financière » de Camille car son père Louis-François meurt le 5 juin. Quelques années plus tard, la guerre franco-prussienne va retenir toute son attention. Le 3 septembre 1871, Lemonnier, accompagné de Verdyen, rejoint à Bouillon Félicien Rops et Léon Dommartin, point de départ vers la ville de Sedan. Ils y découvrent quatre jours durant l’horreur du champ de bataille que Lemonnier retranscrira dans un volume Sedan (1871), republié 10 ans plus tard sous le titre Les Charniers. En 1908, dans son ouvrage Félicien Rops. L’homme et l’artiste (Floury éd.), Lemonnier revient sur sa rencontre avec Rops sur le front : « Je ne l’avais plus revu depuis Bruxelles et il était là, devant moi, crispé, nerveux, souillé, ayant pataugé depuis le matin dans de l’urine, des viscères et de la terre pourrie, tout couvert de la puanteur du champ de bataille. Lui et l’ami Dommartin qui l’avait accompagné avaient marché comme de la troupe, les godillots gauchis, recrus de fatigue, portant leurs sacs d’artiste comme un fourniment militaire.» (op cit. p. 148). Il épouse ensuite Julie-Flore Brichot de Binche qui lui donnera deux filles : Marie (1872) et Louise (1876). En 1873, Lemonnier fonde à Bruxelles la revue L’Art Universel (1873-1875), dont le troisième numéro est agrémenté d’une gravure de Rops, Ma tante Joanna (éd. 2912). En 1876, il participe à L’Actualité à travers le monde et l’art (1876-1877), avant de devenir collaborateur à L’Artiste (1875-1880), revue fondée par Théo Hannon (1851-1916). Il s’intéresse activement à la vie artistique donnant, aux publications parisiennes Gazette des Beaux-Arts et Chronique des Arts et de la Curiosité, des monographies d’artistes belges ainsi que des articles de critique artistique. Il donnera à La Revue de Belgique une étude pénétrante sur Alfred Stevens, « le grand rival » de Rops. Les lettres échangées entre Rops et Lemonnier à ce propos sont parmi les plus passionnantes car l’artiste justifie auprès du critique d’art ses choix et son enthousiasme à être le chantre de la modernité. Dans une lettre adressée en 1881 à Camille Lemonnier (éd. 222), Félicien Rops dit : « Je te raconte tout cela, parce que c’est de l’actualité, & que l’on m’écrit de Bruxelles que « dans une réunion de peintres, on a dit que j’étais un ennemi des Stevens ! chose contre laquelle je proteste avec indignation, et ce qui me vexe, c’est que Alfred Verwée qui sait le contraire, n’a rien dit !! ! T. SVP !! J’ai toujours eu pour les deux Stevens une très vive admiration. Joseph est tout simplement l’un des promoteurs de la bonne peinture en Belgique c’est un maître peintre qui a eu la plus grande influence sur son frère. – Alfred est son élève, cela n’est pas niable. C’est aussi un admirable peintre. J’ai fait toujours mes réserves & je t’ai dit mon opinion quand on a voulu le bombarder : peintre de la modernité ce qui était d’une bêtise poussée. – Peu de peintres ont été moins de leur siècle qu’Alfred Stevens ! et peu d’artistes en ont moins compris la souple & étonnante diversité : physiologiquement, psychologiquement & physiquement ». Dans une autre lettre (éd. 2920) datant de 1880, Rops précise que : « J’aime aussi Fromentin & j’estime aussi Stevens quoique je le mette en dessous de tous ceux que je viens de nommer & de beaucoup ! – Je t’en parlerai longtemps parce que je sais que nous ne sommes pas du même avis. – La modernité de Stevens est une modernité à fleur de peau & de robe. L’homme est un flamand, bon peintre d’un dessin gauche presque toujours, ce qui ôte du coté elevé à son œuvre. Le mot modernité n’a été qu’une enseigne accrochée par Arthur, qui a toujours été la tête de la famille. Il y a plus de modernité dans un croquis de DeGas que dans tous les tableaux de Steven ». En 1881, avec la publication de son roman Un mâle pour lequel Rops propose de faire des illustrations (projet resté sans suite, éd. 222), Lemonnier provoque un vif scandale dans les milieux traditionalistes et catholiques pour ses propos jugés pornographiques. Le 27 mai 1883, en guise de protestation contre la non attribution du prix quinquennal de littérature à l’auteur d’Un mâle, les Jeunes Belgique ont organisé un banquet au cours duquel Rodenbach salua en Lemonnier « Le Maréchal des Lettres belges ». Dès 1883, Rops se plaint du manque de reconnaissance de Lemonnier à Paris car celui-ci a choisi de publier ses ouvrages à Bruxelles: « Les livres de Lemonnier se vendent avec un rabais de 40 % partout : Le mâle, le mort &c &c. Lemonnier est coulé ici à cause de cela. […] Si Lemonnier avait publié chez Quentin comme je le lui offrais il aurait une vraie position ici, & la position n’existe pas pour le moment, malgré son vrai talent & c’est dommage » (éd. 2051). Lemonnier épouse en secondes noces, en 1883, Valentine Collart, nièce de Constantin Meunier. De cette union naquit le petit Jacques qui meurt un an plus tard le 25 décembre 1886. Dans l’ouvrage publié par Dentu en 1892, La Fin des bourgeois, Lemonnier donne une description précise de la Pornocrates de son ami Rops. Il est aussi l’auteur d’une monographie consacrée à Félicien Rops : Félicien Rops. L’homme et l’artiste, Paris, Henri Floury, 1908. Camille Lemonnier a eu une carrière riche durant laquelle il a publié plu de 70 ouvrages et monographies. Il est l’une des figures marquantes de la littérature belge du 19ème siècle et l’une des personnalités influentes de la scène artistique belge dont la carrière a été intimement mêlée à celle de Félicien Rops.