Numéro d'édition: 0029
Lettre de Félicien Rops à [Henri Liesse]
Texte copié
N° d'inventaire
LEpr/32
Collationnage
Autographe
Date de fin
2024/12/22
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Province de Namur
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Mon Cher Ami,
figurez vous que je suis resté huit jours à Acoz
Je l’ai rencontrée au village de Gerpinnes dans une villa Romaine découverte la veille, j’avais bu colossalement bu, trop bu du Romanée 1858 qui me faisait regarder les peupliers pardessus leurs cîmes & les clochers pardessus leurs coqs, je me chantais à moi-même des choses innomées & charmantes en des dialectes crées par les circonstances. J’arrive dans les ruines où je croyais trouver quelqu’Haghemans ou quelque Théodore Juste flairant les débris, je vois à fleur de terre une petite demoiselle blonde & bleue qui me sourit en me demandant :
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cela vous va-t-il ?
Faites parvenir tout de suite la lettre à Lemonnier n’est-ce pas – je compte sur vous. /
Ici rien de nouveau, – les grands saules chantent dans le vent & les ormes prennent des airs sombres qui font présager l’automne. – les brouillards lumineux de septembre vont venir & me rappeler les jolis départs de chasse de mon enfance : les chiens lâchés jappant dans les cours, Triquet le garde déja couvert de rosée ayant « fait le bois », mon oncle guêtré sanglé & sentant d’où vient le vent pour savoir s’il faut prendre par les marnières, ou remonter la Grande Mailloterie en traversant la Croix Rouge. – Où sont les neiges d’antan ? Aujourd’hui les grands bois « sourds » dont nous avions le respect qui m’avaient vu grandir, & qui me donnaient de grandes poignées de branches aux vacances, sont envahis par les chasseurs du Dimanche de la rue de la Madeleine, – chasseurs en jacquettes vert pomme - et en gants de Suède, dont pas un ne sonnerait le bien-aller, mais qui en revanche manquent un lièvre au déboulé. – Les sangliers honteux d’être chassés par ces gens sans mollets, et troublés par les chansons d’Offenbach et le bruit des bouchons de Champagne se sont retirés la rougeur à la hure, dédaignant des ennemis où il n’y a pas place pour un brave coup de boutoir. Les braconniers même respectaient « ceux de Thozée » parce qu’ils savaient bien que leurs femmes & leurs enfants malades trouvaient toujours une bouteille de Bordeaux qui leur rendait du cœur au ventre & leurs joues roses ; – qu’on ne faisait pas fourrer en prison le père de famille qui, par une veille de kermesse tirait un lapin à l’orée du bois ; – que nos chevaux
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du pays – pas des Anglais ! – donnaient de bon cœur un coup de collier pour rentrer la moisson attardée du voisin ; – que le chariot du château roulait le long des routes pour faire les corvées des pauvres & les charriages d’hiver. Parce qu’enfin nous souffrions de leurs souffrances & nous vivions de leur Vie, que la pluie qui mouillait notre dos, trempait leur échine ; – qu’ils se ressemblaient bien entre eux, le chatelain guêtré de toile, pas bien riche, même un peu pauvre lorsque les foins pourrissaient dans les pâtis, et ce rude laboureur courbé sous les rafales d’octobre & fouissant au hoyau le schiste des plateaux. Aussi lorsqu’ils ont
Moi, trop jeune pour prendre mon repos, j’ai accroché, dans la panoplie sous la trompe bossuée des grands parents, qui jadis avait tant sonné la curée, à coté du fusil à baguette
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de mon père, le bon Lefaucheux dont le damasquinage s’est usé sur mon épaule, & qui abattait si vaillamment les bécasses en novembre sous les aulnaies de la Mare aux Pies. – J’ai pris la pique et le sac du paysagiste tant méprisé par les figuristes :
Braconnier ne puis
Chassaillon ne daigne
Peintre je suis
Et voilà comment Mon Cher Ami je me suis fait paysagiste & pourquoi je vous faisait sécher sur pied par 36 degrés de chaleur dans la vallée de la Biesme ! –
À Bientôt n’est ce pas ? Je vous écrirai d’ici là – Je vous serre bien la main. Paul fait de même & ma
F
J’ai trouvé chez Pirmez une Italienne juive qui posait j’ai eu trois minutes pour en faire un croquis que je vous envoie pour vous faire prendre patience. N’oubliez pas MlleElmyre !
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Dites de suite à Lemonnier, Cher Ami que je lui écrirai demain sans faute. une longue lettre, très longue – lui expliquant une foule de choses nécessaires à expliquer. Je vous l’enverrai.
Dites lui que le 10 j’arriverai à Bruxelles – ou le 9 ou le 11 – Je ne sais trop quand, j’y vais pour ma maison qui m’inquiète. Mon architecte est décidément une bête brute.
Nous pourrions dîner avec Lemonnier. Je crois que lui & moi nous pourrions associer intelligemment les nerfs que ne nous a pas ménagé la Providence une dame à laquelle il faut crever l’œil.
À vous
Fély
Brux
Thozée.
Détails
Support
4 feuillets, 6 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
210 x 133 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)