Lettre de Félicien Rops à [Théodore Hannon]

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Je reçois à l’instant du nommé Yves & Barret une épreuve du frontispice laquelle est assez ignoble. C’est raté & il faut refuser cela. Le nommé Yves &c se fiche du monde & travaille « pour la province.

Dans le génie à la plume tout le menton le cou & la clavicule & l’attache du bras sont mangés par une tache noire. La poitrine de l’académicien est piquée, la cuisse du même « génie à la plume » est également piquée ; – Enfin le tout est plus petit que je ne l’avais indiqué. Votre format permet de faire ce frontispice plus grand que cela. Tu verras le dessin – dont je te fais cadeau (en échange d’une étude que je te volerai,) & tu comprendras que pour rien au monde je ne cravatterais de deuil le col d’un génie que je respecte. En outre le dessin plus grand fera beaucoup plus d’effet. Ne payez pas cette planche & que Yves & Machin vous

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en fassent une autre.

Et puis rapetîssées, les lettres n’ont plus leur dimension & cela n’a plus « d’oeil » ! –

Merci de tes éloges. – Mais si ce que tu me dis était vrai Mon Cher Ami je serais plus content de moi que je ne le suis & je me déplais fort. J’entrevois un bel art auquel je ne peux atteindre ! d’ici a quelques mois peut être je commencerai à gravir les premières assises de la montagne que je vois se dresser devant mon pauvre moi. Je rêve des machines singulières qui sont ici devant mes yeux – en pleine nature, & pour lesquelles, je veux faire sortir du cuivre des nouveaux effets. Ce sera d’un art un peu abstru, mais quelques amis me comprendront & cela m’a toujours suffit juqu’à présent. Dis à Camille que je lui écrirai pour le remercier de son aimable article de l’Actualité & que je vous enverrai à tous les deux de vraies épreuves de l’olivierade (que vous ne reconnaîtrez pas) tirée par Delâtre, le roi des Tireurs, le grand Delâtre, retour de Londres, sans le sou, comme tous les êtres épiques,

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mais que nous en sommes en train de commanditer & de faire remonter sur sa presse de Combat. Je lui ferai tirer deux grands Japons de cette « grande garce » & vous verrez la différence avec les épreuves-Cadart, qui fait tirer cela par des boueux de sa connaissance. – Ô les gris ! les gris ! Ces jolis tons aîlés que donne l’acide affleurant un cuivre attaqué vigoureusement en traits brillants, que deviennent-ils par le temps de ramoneurs imprimeurs qui court ? –

Il ne nous faut pas trop en médire cependant : quelques pointes de bonne Volonté reviennent à « l’eau forte des peintres, & Degas – un fort – se joint à nous & les bons temps reviendront, plus vite que ne pense les Henriquel & autres poncifards du burin aquaforté. – Sois très énergique, & surtout fiche-toi de tous les imbéciles puisque tu tiens ton journal. En Belgique, ne l’oublie pas ! l’opinion publique ne peut être, comme ici en France, chatouillée pour être éveillée ; il faut lui crosser l’échine, & ne point embourrer sa trique ! – Camille, & il le reconnaît à son heure a eu tort d’être aimable pour un tas de goîtreux, bossus, béquillards

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& autres baveux de la Peinture. Les gens bien portants ont fini par ne plus s’intéresser aux dires de l’Art Universel, parce que l’éloge adressé à ce porte-cautère anéantissait l’estime qu’il portait à la belle Santé des autres. Jamais de demi-mesure en rien ! Il faut être intense avec joie !! & ne jamais se repentir. Tout repentir est lâcheté.