Lettre de Félicien Rops à [Théodore Hannon]

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Causons un peu sérieusement mon Vieux Théo : Je reste depuis huit jours plongé dans des étonnements sans nombre !!! J’ai passé chez trois ou quatre des principaux libraires, chez Conquet, chez Marpon &c &c pas le moindre : Rimes de Joie !! Je me perds en ton affaire & je n’y vois goutte : Le Livre t’appartient-il oui ou non ? C’est toi qui as – m’as-tu dit payé les imprimeurs donc il t’appartient, & Gay alors n’est qu’un intermédiaire quelconque qui met son nom sur la couverture et est chargé de lancer le volume à ses correspondants. C’était à toi dans ce cas à fixer le prix du volume.

Si c’est Gay qui a payé les violons, il est libre de fixer le prix du volume, mais il n’est pas libre du tout de l’enfermer dans une armoire !

Ton livre devrait être partout, il n’est nulle part. Et nous sommes le 22 octobre ! – Depuis le 1er les volumes de saison sont en montre partout ici. Le Mâle de Lemonnier s’étale à toutes les vitrines, parce que Kistemaeckers au rebours de Gay, sait lancer un volume, tout le monde le reconnaît, même ici.

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J’ai fait une affiche de libraires – une « affiche » pour que ton nom soit connu ici & te faire une réclame. Je l’ai faire jolie, non pas pour qu’elle entre dans le catalogue de MrGay comme « frontispice supplémentaire » au prix de trois francs ainsi que je la vois annoncée dans le catalogue de Gay, mais pour être distribuée gratuitement, comme annonce de livre, chez les libraires de France.

Si tu veux bien laisser enfouir ton livre dans les catacombes de la maison Gay, je ne veux pas moi qu’il en soit de même pour les eaux fortes. Si tu ne montres pas les dents à cet animal finaudeur, qui fait l’endormi & si tu ne veux pas être absolument énergique à son égard et énergique de façon à ce que dans six jours au plus : l’affiche & le livre soient chez tous les principaux libraires de Paris, voici ce que je suis résolu à faire :

Et c’est l’Ultimatum que je pose à Gay. – Communique le lui : il est sérieux :

– « Si le 29 octobre, au soir, l’affiche & le livre de Mr Th. Hannon ne se trouve pas à la vitrine de toutes les libraires de Paris, – je porte immédiatement les planches chez des imprimeurs « rapides » – chaque planche chez un imprimeur différent pour que cela marche à la vapeur, je fais fabriquer un cartonnage & je fais paraître : Cahier de six eaux fortes pour illustrer le livre de Mr Th. Hannon Les Rimes de : 3 frs

Et j’affiche « la petite affiche ». »

Gay m’embête à la fin avec ses finauderies & ses façons de traiter ce livre « sous le manteau » & puisque tu le laisses faire, je veux moi que l’on voie les eaux-fortes. C’est trop bête d’être dupe de ces tripotages-là.

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Voilà ce que je t’écrivais hier en ma colère de voir ce livre non paru ici – car cela revient au même : Il est non paru. Comment veux-tu que la presse s’occupe d’un livre que l’on ne voit nulle part ? – Envoie toi-même l’affiche aux libraires & ne te fie pas à Gay. Tu es superbe, tu accuse Gay mais tu ne t’occupes aucunement de ton livre ! Si tu voyais les bonshommes d’ici comme ils surveillent l’éditeur ! – Si tu fais une 2e édition j’y ajouterai trois planches. Exige de Gay des comptes sérieux. – Écris à Huysmans que s’il trouve éditeur, je ferai trois planches en plus – Du reste je vais m’en occuper aussi. Mais exige & fais toi même l’envoi de l’affiche & des cent vol. qui restent ici. – L’exemplaire reçu hier servira d’exemplaire « perdu » à montrer. donc garde moi mon exemplaire sur vergé & un sur Japon chez toi je les prendrai le 15 novembre. sans faute.

Dis à Gay que j’attends mes eaux fortes de toutes les planches que j’ai faites pour lui & que s’il ne me les envoie pas, nous ne publierons pas chez lui le livre que je fais avec Uzanne.