Lettre de Félicien Rops à [Edmond Alphonse Charles Lambrichs]

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Je suis toujours ici à Thozée, exilé pour cause de santé de mon fils, qui va du reste beaucoup mieux. N’importe, je t’assure qu’il faut un certain courage pour rester ici par le temps qu’il fait. Il gèle vers les quatorzes degrés – au soleil ! Les gens du pays trouvent « que c’est du temps de saison » et qu’il ne fait pas encore « plein froid ». Qu’est ce que « le plein froid » seigneur Dieu ! Il y a huit jours que j’ai le nez sans connaissance.

J’ai eu malgré tout l’énergie d’aller à 6 lieues d’ici rôde – dans les bois de la frontière. Il y a là des campements des francs-tireurs dans la neige qui feraient rêver Salvator Rosa. C’est superbe de guenilles fantastiques, je suis en train d’en faire un bois pour l’Illustration de Londres. – Espérons que je trouverai un graveur un peu propre, s’il y a des garveurs propres ».

Fais mes compliments au président et excuse moi auprès de nos amis de la Société Libre : c’est une cause majeure qui me retient loin de vous tous, – dans ce Kamchatka de rencontre, sans cela ! Je préférerais poser pour ton tableau je t’assure.

À propos je t’adresse mes souhaits, que le diable emporte l’an de disgrâce 1870 et que le bon Dieu, – je dis « bon » par habitude, se donne donc pour une fois la peine de penser que les artistes sont aussi respectables que les chênes et qu’il faudrait cependant leur donner quelques jours meilleurs. – Mais il faut toujours en revenir au mot de Proudhon : Dieu c’est le mal ! – Enfin, ce qui excuse ce fétiche là c’est qu’il est en bois, – et si mal peint par St Luc ! – rien de l’Académie – ni de Slingenyer. Il ne manquerait plus que ça !