Lettre de Félicien Rops à [Léon Dommartin]

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Ne trouves-tu pas qu’il y a « un certain laps » que tu ne m’aies donné de tes nouvelles ? Si tu le ne trouves pas, n’en parlons plus. – Le Musset est remis sur pied et marche ; – je commence par te parler de mes travaux. J’ai fait des tas de dessins qui se sont vendus, – seulement ! l’acheteur ou du moins l’un des acheteurs ne me paie pas, ce qui me fait boire un bouillon de frs 2,800 !! Dûr à digérer. Malgré ce « coup de bas » les « affaires » se remettent, & cela marchera. – Tu verras le Musset je crois que c’est dans une gamme tout à fait inédite. Voici mon idée & je suis assez curieux d’avoir ton avis – idée d’ailleurs que je développerai ou ferai développer dans un bout de lettre qui accompagnera les dessins ; – il est évident, & je relis l’œuvre pour la quatrième fois d’ensemble que c’est une œuvre de sceptique & de gouailleur, se gobant parfois lui même, mais le fonds, – le fin fonds est toujours un fond de moquerie élégante & parfois presque voltairienne malgré la tirade du hideux sourire. Les « époques » la Vérité historique » tout cela, comme la Couleur locale y est traité sous la jambe & pardessous le cul, de parti pris. – Or illustrer sérieusement un Monsieur comme cela, me paraît le comble de la cuistrerie artistique. Et c’est cette sottise académique & picturale – les peintres étant toujours les plus sots des êtres crées après les virtuoses, – qui a enfoncé le bon Bida. – Prenons Namouna par ex : Vois-tu un Monsieur traiter gravement au point de vue du « Soleil de l’Orient » & du document « authentique » cette turquerie du quartier Bréda ?

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et faire un vrai Turc d’Hassan ? Ce parisien de chez Tortini ! – Et tout est comme cela ! Le Tyrol de Franck & le reste ! Cela se passe « en Italie » ? a des époques indéterminées & vagues. – Don Paez est aux arsenaux « il fume son cigare ! » tout bardé de fer qu’il est ! .Si on n’apporte pas dans les costumes de ces illustrations la même fantaisie enragée, tout proportion de talent gardée, je crois qu’on est fichu, & c’est ce que je tâche de faire. – Enfin comme tu verras ces illustrations à l’Exposition de Bruxelles tu me diras ton avis. Seulement dis moi d’avance ce que tu penses de tout cela.

As-tu remis à Paul le volume de Michelet (?) – Donne moi de tes nouvelles, – je n’en ai plus eu depuis le voyage d’Armand à Bruxelles, & je commence à trouver cela « un peu long ».– Edmond ne m’écrit plus depuis la fameuse affaire de la Nina. L’affaire du Collier n’est rien auprès de cette épopée fantastique, bref je trouve que vous pourriez de temps à autre vous rappeler un tantinet que nous avons passé quelques bons jours ensemble. Je ne fais pas de sensiblerie ni le « coup du délaissé » comme dirait Taelemans qui dér-vide le jars comme un pensionnaire de la Roquette, – mais je te dis nettement ce que je pense. – Je rentre chez moi tout simplement, quand j’irai à Bruxelles, je crois déjà te l’avoir écrit. Je t’enverrai à partir du 1er septembre, à toi directement Cent frs par mois, pour Adèle Boussingault, afin de m’acquitter promptement envers elle. J’ai fait quelques bonnes choses et entr’autres

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un dessin de la Saisie qui a été acheté par Maurice Bonvoisin & fait dans des données neuves & avec des procédés d’exécution intéressants. Tu verras cela exposé un jour ou l’autre Si je peux aller à Anseremme en septembre j’irai avec joie. Mais je suis bien pressé de besogne. Je me console, en faisant dans les environs de Paris dans la grande banlieue de longues tournées en explorateur, découvrant des choses splendides : Ermenonville, la forêt d’Arminvilliers, Rambouillet, les étangs de Châlis &c &c des merveilles ! – Un seul regret : de ne pas faire cela en ta vieille compagnie comme à Chevreuse. J’ai découvert une rivière adorable : Le Morin & un village Villiers-sur-Morin – par Esbly-ligne de Meaux qui est un Anseremme réussi : 3 frs par jour & 6 litres de vin ! – un petit vin à faire danser Veuillot. Nous irons ensemble. Les petites amies t’envoient des masses d’amitiés, – toujours les mêmes, – de plus en plus parfaitement femmes & vraies femmes. Je suis refugié dans leur maison en attendant que mon atelier soit bâti. – J’y ai loué un appartement. Écris-moi ici