Numéro d'édition: 0279
Lettre de Félicien Rops à [Alfred Verwée]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Alfred Verwée
Lieu de rédaction
Corbeil-Essonnes, Demi-Lune
Date
1892/12/03
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
APC/27194/65
Collationnage
Autographe
Date de fin
1892/12/03
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Fédération Wallonie-Bruxelles, acquisition réalisée grâce au soutien du Fonds Léon Courtin – Marcel Bouché, géré par la Fondation Roi Baudouin.
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La Demi-Lune, Essonnes (Seine & Oise)
3 Déc. 1892.
Mon Vieil ami
j’ai appris avec peine par ma
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accrochaient leurs montures à la muraille extérieure, donnaient cinq sous et prenaient leur bain. N ous y sommes allés, un peu par curiosité & un peu par nécessité : ma
Le voyage de Biskra n’est pas cher, quoique ce soit le point, ou du moins l’un des points les plus éloignés de la province de Constantine. Il y a des billets circulaires à très bon marché. De là on peut gagner Tuggourt où les Français n’ont qu’un poste de protection, & où on se trouve en plein Sahara. Biskra n’est lui-même qu’un oasis en plein désert. Tu ferais un voyage des plus intéressants, pas cher, & qui je le crois serait très salutaire à ta santé
Il paraît qu’il y a loin maintenant de la petite piscine primitive, que nous avons connue, & où un pauvre Arabe vous demandait six sous par bain. On m’a dit que depuis déja deux ans, devant les cures merveilleuses qui se faisaient là, on y avait élevé un hôtel où on arrivait de Biskra par un omnibus ! – Un omnibus au Sahara ! Cela devait arriver !
Biskra a un climat exquis, cela n’est plus l’Algérie, c’est autre chose : on est dans un bain de vie, de lumière, de repos. Souvent l’Algérie est froide pendant l’hiver ; jamais le Sahara. Je compte y retourner dans ce Sahara que l’on n’oublie pas. Si tu vas
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là je pourrai te donner des lettres de recommandation très efficaces, et te mettront sous la protection des caïds si tu veux aller jusqu’à Tuggourth, car à Biskra le chemin de fer cesse, il n’y a plus même de routes.
J’ai passé moi aussi Mon Cher Alfred, une bien mauvaise année, & j’ai failli perdre un œil, – pour un graveur c’est grave, sans jeu de mots ! Mais ce qui m’a été le plus cruel, ce dont je ne me console pas, c’est de la perte de mon pauvre ami Gouzien. Tout l’hiver dernier il avait souffert de la poitrine à la suite d’une très violente attaque d’influenza, il ne s’en remettait pas. Au mois de juillet, il était venu passer quelques jours ici, à la Demi-Lune. Il était sombre, plein de tristes pressentiments, & il m’a même longuement parlé de ce que je devrais faire, si par hasard il avait une rechute qui pourrait lui être fatale. Il s’agissait d’une vente après décès. Cette triste idée revenait toujours, quelque fussent mes efforts pour l’égayer & lui changer ses pensées. J’ai dû lui promettre de réunir nos amis peintres, – ses amis, – rien que les plus intimes, – et de faire en sorte d’organiser cette vente au profit de sa fille, par l’apport de quelques œuvres, qui jointes aux quelques cadeaux & souvenirs d’amis qu’il possédait déja, pourraient faire un petit capital qui lui viendrait bien en aide, car elle se trouverait sans ressources. Hélas ! Mon vieux, un mois après notre pauvre ami mourait en deux heures à Guernesey, chez Lockroy, d’une congestion pulmonaire ! Maintenant, je tiens la suprême promesse que je lui avais faite, & aidé d’un comité que j’ai réuni : Bérardi, Clairin, Rodin, Duez, Lobre, Cormon, et quelques autres nous allons faire en mars une vente publique qui je l’espère marchera bien, car elle sera soutenue très
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énergiquement par la Presse dont Gouzien faisait partie. Le Figaro, le Gil Blas l’Écho de Paris, le Temps le Matin etc m’ont déja promis leur concours absolu. Nous avons choisi Vacquerie le directeur du Rappel comme président. Gouzien était le chroniqueur d’art du journal, & en même temps chargé des théatres. Cette présidence revenait à Auguste Vacquerie de droit. D’un autre coté, Detaille, Puvis de Chavannes, Gérome ont promis de nous envoyer quelquechose, et beaucoup d’autres. Il y a chez Gouzien un joli petit tableau de toi, si tu trouves encore un bout d’étude, cela nous fera plaisir de la recevoir. C’est pour la fille de Gouzien que sera le produit de la vente, sa femme en partagera l’usufruit. En cas de nouveau mariage de sa part, l’usufruit en reviendrait à sa fille dans son entièreté. Voilà ; si tu décides à aller dans le midi, préviens-moi surtout quelques jours à l’avance afin que je ne m’absente pas.
À bientôt je l’espère Mon vieil ami tous mes Compliments & mes vives amitiés à ta femme & aux tiens & ma meilleure poignée de main pour toi
Félicien Rops
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Bleu.
Dimensions
175 x 110 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
Photographie Vincent Everarts