Numéro d'édition: 1020
Lettre de Félicien Rops à [Edmond Carlier]
Texte copié
N° d'inventaire
III/215/11/20
Collationnage
Autographe
Date de fin
2024/12/21
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
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Avril 75
Mon Cher Edmond
Liesse me dit que tu es allé à Anseremme dans le simple but de te rendre « par la force ou par la ruse » maître de mon chien, et d’en faire cadeau « à Claire ». –
– Je te préviens que j’écrirai « à Claire » pour rentrer en possession de mon chien & que je rentrerai dans icelle possession n’importe comment. Donc pas de plaisanterie ! Je la trouverais mauvaise. D’autant plus que je vais en novembre habiter probablement un petit hôtel où mon chien pourra s’esbattre en toute liberté & fera merveille. Ainsi pas de mauvaise blague. Tu serais fort embêté de devoir reprendre ton chien. – Si tu veux donner des chiens à Claire fais-les toi-même polisson !
À part la goutte qui me tient à la main & au pied, – à la main gauche heureusement ! (La droite se ressent toujours de mon accident du 9 juin. Cela va mieux mais cela n’est pas encore cela !) je suis content ici. Je travaille & cela marchera très bien !!
L’appartement est charmant : il y a une antichambre, une cuisine, un petit Salon-cretonne, une chambre à coucher une chambre de domestique, un débarras et un grand atelier pour 1400 frs !!
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et sortie « pour les modèles » par un escalier de service ! – Une vraie trouvaille ! – Je dois le quitter parce que ce que l’on m’offre est encore plus avantageux : C’est un petit hôtel à Neuilly entre Neuilly et Paris, que Godebski construirait pour nous deux. On commencerait dans quelques jours, si l’affaire se décide, & en octobre cela sera prêt ! Ici on bâtit à la vapeur – nous aurions chacun notre atelier ; appartement & jardin séparés. – Ce serait charmant, et dans le quartier des peintres Meissonnier, Detaille, &c &c ce qui est bon « pecunix causa » ! Et dire que j’ai la goutte par le fait du grand père, – « Chambertini causa ! cette fois !! – – Ton lit était prêt naturellement, je n’avais pas besoin de te l’écrire puisque tu le savais, même, il y en a deux ! & complets ! Enfin cela sera pour le Réveillon. – Mais tu as eu tort : « la Saison a été splendide, aussi belle qu’en 1869.
– Écris Cher Vieux dis-moi quand tu viendras ou plutôt quand tu retourneras à Anseremme, j’y serai très probablement du 15 au 20 juillet. Donne moi des détails sur ce cher village & dis moi qui y peinture pour l’instant ! – J’avais l’intention de partir plus tôt mais Paris vous agriffe par mille côtés et l’on ne sait jamais quitter cette ville endiablée ; et puis comme « on vit » nerveusement & spirituellement ici ! Il m’a fallu deux mois « pour me retrouver ». Je n’y étais plus. Bruxelles m’avait fait pousser des callosités à la dure-mère & je me faisais à moitié rouler par des bonshommes de rien du tout ! Mais j’ai vite repris langue, et me voilà, comme d’avant, regardant les hommes par dessus leur chapeau & les soldats pardessus leurs bayonnettes. – Je plains le monsieur qui voudra se donner un de ces jours ou un de ces soirs la satisfaction de faire poser un « bon Belge » devant l’aimable Société. Je lui garde une pleine ratelée de gaudysseries & forte joyeusetés. –
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Nous sommes deux « débutants, ou redébutants plutôt Zichÿ & moi. L’un retour de Russie & l’autre retour de Gand. J’ai vu ce qu’il fait. Cela n’est pas mal un peu 1840 » Il retarde quelquefois.
Liesse – gravement ! « me conseille de » donner quelque belle page à la Vie Parisienne – » ! Comme c’est bien le garçon qui a quitté Paris et qui ne sait rien de ce qui s’y passe ! Personne ne lit la Vie Parisienne ici ! cela a fait son temps, c’est ranci, c’est Napoléon III !! Marcelin est quelque chose comme Henri Monnier.
Je grave mes « Romans de Voltaire » et une planche pour l’Art, – et je peins des marines Parisiennes.
Hier, inauguration de la du monument de
Été à la fête Vénitienne de Mme Ratozzy – trop de monde !! – on s’embrassait dans les couloirs.
Il vient de s’ouvrir des bals drôles & amusants, entr’autres un Bal du petit Château Rouge » fréquenté par les peintres et les peintresses qui est fort à la mode – peintres « chics » naturellement. J’y vais trouver des sujets, & des sujettes !
Quant à Bougival & à la Grenouillère cela reste toujours de 7 ½ heures du soir à minuit une des choses les plus adorables qui soit. Cela vaut tous les Dieppe & les Trouville du monde comme plage fantastique, – les femmes restent couchées dans l’herbe en peignoirs roses bleus & & &, quelles femmes ! les plus jolies du plus joli dixième du monde. On n’effarouche que la bonne vieille morale.
Et en propos ! Si Thomas Vireloque passait ! Et il passe :
Enfants voici les bœufs qui passent
Cachez vos rouges cerisiers
Les mots sont rouges comme les cheveux au vent.
Au galop & bien à toi
Ton vieux
Et Pigeon-Vole ???
Fély
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Mille bons Compliments à ta famille.
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
206 x 264 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir. En-tête: S.I.A..
Copyright
KBR