Numéro d'édition: 1261
Lettre de Félicien Rops à [Mélanie P]
Texte copié
N° d'inventaire
II/7043/86
Collationnage
Autographe
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Chère Madame,
Je regrette de ne pouvoir vous porter aujourd’hui mes esquisses : elles ne sèchent pas ! Je crois que la nuit je les arrose de mes pleurs, – que sera-ce donc quand je peindrai de grandes toiles ? Je n’aurai pas assez de mes larmes, j’y mêlerai celles des autres, cela nous fera quelqu’averse !
Dites s’il vous plaît à ma chère petite Marie combien je regrette mes maladresses d’hier soir ; – pour quelqu’un qui m’aime un peu, quand tout le monde ne m’aime pas du tout, il faut que je lui fasse peine, j’ai décidément de la mâle chance ! –
Entre nous c’est la présence de Kirsch qui me troublait, son nom me porte à la tête, il a cinquante ans de bouteille ! – Je remplace les esquisses fantastiques par des fleurs, cela vaut mieux : elles sont peintes par le nommé Jésus, bon peintre, peut être à l’inspiration de Marie Madeleine ! C’est si bêtes ces rapins de l’azur !
Page 1 Verso : 2
J’en connais un, – de l’azur ! – qui se raconte des choses comme cela :
Si j’avais pour amie, aux champs, une enfant brune, Mon Dieu ! je pourrais être heureux à ma façon….
Nous irions dans les bois, le soir, prendre leçon Du rossignol ému qui chante au clair de lune
& & & & & etc etc
C’est très joli avec des vignettes dans le texte. c’est écrit pour piano & cœur – avec soupirs.
Le « rossignol ému » c’est Léon c’est le seul de mes amis qui fasse un peu de musique.
C’est ça – il ne me manquerait plus que de ne plus l’aimer, lui. – Mais non !!
Ah décidement Circé, il est temps que le dernier des compagnons d’Ulysse s’embarque au plus vite, s’il pleure il n’a qu’à se moucher dans la voile, mais il faut quitter la côte enchantée.
Sotte bête que je suis, encore un peu j’écris « la coste enchantée » comme dans un conte drôlatique.
Je baise votre talon rose aristocrate que vous êtes !
Fido.
Page 1 Recto : 3
À une tête de Faune.
–
Parc de Bruxelles.
après un voyage.
Dis-moi, vieillard, masque-ironique
Ce qui te fait sourire ainsi ?
N’es-tu pas mort ? Vois-tu d’ici
Les temples dorés de l’Attique ?
Entends-tu parmi les bergers
Soupirer la flûte inégale,
Tandis que la fille au front pâle
Danse en formant des pas légers.
Vois-tu d’ici la forêt sainte
Dont je ne peux franchir l’enceinte
Où tu l’aimais sous le ciel bleu ?
Ou bien ris-tu de voir ma lèvre
T’interroger, toi, l’homme-chèvre
Et te dire : « Causons un peu » !
Détails
Support
1 feuillets, 3 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
203 x 252 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR