Lettre de Félicien Rops à [Charles Vos]

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Ne venez pas avant le dix juin, surtout ! – Si vous venez le dix, du dix au douze, vous pourrez emporter deux jolis dessins, peut être trois, sinon vous ferez un voyage inutile & si vous venez du dix juin au douze, votre voyage sera fructueux.

Ce mois de juin a été désastreux pour moi, j’ai même failli vous écrire, Mon Cher Vos, tellement j’étais découragé, que je ne voulais plus faire cette affaire, mais j’ai pensé que j’avais, si vous retardiez votre arrivée, encore une quinzaine de jours devant moi que cela me permettait d’achever ces trois dessins & j’ai repris courage. Donc absolument écrivez-moi, au reçu de cette lettre que vous ne venez que le douze, cela me remettra du cœur au ventre car j’ai failli tout laisser. Jugez de mes ennuis : quand vous êtes parti le livre de Rodrigues qui me touche à tant de points de vue était presque terminé, Conquet le prenait, faisait l’avance d’une partie des frais, tout cela était convenu. Il est frappé d’une attaque d’apoplexie, sa femme prend la direction de la maison, tout

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est à terre ! patatras ! Cette femme avait toujours été opposée à la publication de ce supplément. Très bète, elle appelait les livres de Ramiro sur l’œuvre de Rops, : « des recueils de cochonneries ! » Bourgeoise opaque et mal conseillée par des bibliophiles pudibonds que je gênais dans cette maison, elle s’est hâtée de déclarer, que vu l’état de Conquet, les conventions, non signées, étaient abolies de ce fait et qu’elle ne voulait pas que le nom de Conquet, son nom ! figurât sur un livre qui ne pouvait que le déshonorer ! etc, etc, etc. Cette grue s’est butée. Rien n’y a fait. Et nous voila Ramiro et moi obligé de courir Paris avec nos plaques & notre texte qui était presque tout imprimé, pour trouver un nouvel éditeur !!! Nous l’avons trouvé dans un certain Floury, jeune débutant avec quelques fonds, et qui je crois fera l’affaire convenablement. Mais au prix de combien de courses ! de combien de démarches, d’efforts et de tracas ! Il faut avoir fait ce métier de tâcher de remettre sur pied un livre abandonné par son éditeur déja connu, annoncé, pour savoir par quelle déboires l’on passe ! Tous les éditeurs à qui l’on s’adresse se défient, croient qu’il s’est passé des choses qu’on leur cache. J’en perdais la tête ! Et pendant ce terrible temps, les dessins à vous promis ne se faisaient pas, bien commencés, ils pâtissaient de mes énervements, et finalement je les envoyais au diable et dans un moment de découragement je les déchirais en quatre morceaux ! Voilà où j’en suis. J’en ai recommencé quatre & cela marche assez bien. En quinze jours cela sera mené à bien et même à très bien. Mais ne m’embêtez pas

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Mon Vieux Vos avant le douze juin et même de préférence le 15. Vous y gagnerez, sinon je n’arriverai pas ! Je me connais, je sors de cette lutte inopinée entre mes nerfs et la mauvaise chance, et j’enverrai tout au diable si je ne regagne le calme nécessaire à l’exécution de bonnes choses : La femme en croix, la dêche, et la mort vont être menés à bonne fin. Mais du calme ! Dis à tes clients ce que tu veux, mais ne viens pas avant le 12 juin à tout prix, ou je vais encore m’énerver & déchirer mes dessins, je suis dans une fichue passe ! – Si tu viens avant la date que je te désigne, tu ne trouveras rien !

Un bon Conseil : Pars le jour de la Fête-Dieu 13 – Tu viendras le 14 à la Demi-Lune, nous y passerons (Délicieux Bourgogne des hospices de Beaune !) le Dimanche 15 tu en repartiras le soir avec les dessins !

Tu sais combien je suis un « finisseur » en art. J’ai besoin de repos & de tranquillité, or je ne dors plus depuis un grand mois ! Si tu te presses tu gâcheras tout.

Tiens je t’ai tutoyé, à présent, c’est à jamais !