Numéro d'édition: 1328
Lettre de Edmond Picard à [Félicien Rops]
Texte copié
Expéditeur
Edmond Picard
Destinataire
Félicien Rops
Lieu de rédaction
Bruxelles, 47 Avenue de la Toison d'Or
Date
1878/04/28
Commentaire de datation
Date du cachet de la poste
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
AMIS/LE/066
Collationnage
Autographe
Date de fin
2024/12/21
Cachet d'envoi
1878/04/28
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Province de Namur
Apostille
28 avril 78
Page 1 Recto : 1
Cher Monsieur,
J’ai reçu votre lettre. Je vous suis bien reconnaissant d’avoir pensé à moi de préférence, au sujet des 2 dessins dont vous me parlez. Vous me faites ainsi un compliment indirect auquel je ne suis certes pas insensible, et vous me procurez l’occasion, toujours bien venue, de voir 2 de vos œuvres que je ne connais pas, tout en obligeant ceux de mes amis qui souhaitent avoir des dessins
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analogues aux miens pour lesquels l’admiration ne varie pas.
Je connais la lithographie de l’Enterrement au pays wallon. J’étais à Bruxelles quand elle a paru, il y a longtemps hélas ! Je suis très alléché par la pensée de voir l’interprétation que vous en avez faite.
Il sera indispensable que les dessins me soient envoyés. Les amateurs tiennent à savoir parfaitement ce qu’ils achètent, et pour votre responsabilité comme pour la mienne cette formalité sera indispensable. Quand à pour l’article, rapportez-vous en à moi : j’admire trop votre talent pour ne pas en avoir beaucoup d’éloquence chaque fois qu’il s’agit de le faire valoir.
L’envoi peut m’être fait directement, et si contre mon attente, je ne réussissais pas, je prendrais à ma charge les soins et les frais de retour ; ce sera, en effet, payer bon marché le régal que j’aurais fait.
Depuis un mois, j’ai vécu au milieu de choses sorties de vos doigts. Bonvoisin m’a, en effet, transmis
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la collection quasi complète de vos érotiques et une bonne centaine d’autres eaux-fortes et lithographies. J’ai examiné, étudié, analysé tout cela con amore, fortifiant par la vue de tant d’œuvres si parfaitement personnelles, ma foi dans votre admirable talent. J’en ai tant parlé, j’ai si bien battu le rappel, que j’ai trouvé à un prix fort convenable, un acheteur pour le tout en bloc. J’ai donc la satisfaction, et vous l’aurez sans doute également, de savoir que ce rare assemblage demeure intact
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et peut être retrouvé quand on le voudra. A ce sujet je vous dirai de bien vouloir prendre note que le même amateur, d’après ce qu’il m’a dit, est fort disposé à acquérir tout ce qui pourrait compléter son noyau, et même à ajouter gravures et lithographies qu’il possède, des dessins et croquis d’album. Si dans vos portefeuilles il y a des éléments de ce genre, et si vous voulez bien me les confier, j’ai donc là un
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un débouché très sérieux. Vous apprécierez ceci au point de vue de vos connaissances d’artiste, et si je suis indiscret vous voudrez bien m’excuser en considérant que ce qui me pousse est le désir de vous obliger et le plaisir de voir, dans les choses qui émanent de vous, du nouveau et toujours du nouveau. Il m’a été agréable d’apprendre que Rousseau avait été voir mon St Antoine ; je comptais l’inviter à le voir chez moi, l’encadrement terminé, en même temps que l’Attrapade. Je ne sais si l’on vous a dit que j’ai dit à Bonnefoi de me composer un cadre à volets. L’œuvre comporte cette combinaison et le mystère dont elle sera ainsi entourée augmentera peut-être [encore], pour certaines gens, son originalité et son mérite. Quand Bonnefoi l’a vue, il s’est écrié (Je parle de près) : « En voilà une à laquelle personne que moi ne touchera ; je vais lui composer un cadre dont on parlera ». J’espère que ce brave
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artiste réussira. Le cochon ne l’a nullement préoccupé. Tant de gens ne s’y arrêtent que pour faire croire probablement qu’il n’y a de cochons que sur les dessins.
Encore une question pour finir. Vous n’aimez pas à être exposé, je crois. Vous avez, peut-être comme moi, la manie de trouver qu’une œuvre sur laquelle il a été permis au premier imbécile venu d’aller mettre le nez, a subi une sorte de [illisible] qui la déflore. Mais, pourtant dans l’intérêt de votre « Gloire », vous estimerez peut-être que de temps en temps une petite infraction à la règle peut-être utile. Je vous en parle parce qu’il a été question ici d’espérer votre attrapade. Je le ferai volontiers si vous le disiez. Mais pas sans votre assentiment formel.
Excusez-moi, cher Monsieur, de tant vous écrire. C’est pour moi une agréable distraction que de commercer avec un artiste tel que vous. Puis vous m’avez donné l’exemple par vos charmantes lettres où votre crayon se sent constamment derrière la plume. Croyez-moi, cher Monsieur, votre tout dévoué.
Edmond Picard
28 avril 1878.
Enveloppe
Monsieur Félicien Rops
17 rue MosnierParis
Détails
Support
1 feuillets, 6 pages. Papier
Mise en page
Encre