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3 fév. 1894.
Mon Cher Eugène
voilà un grand mois que je dois t’écrire, & j’ai passé tout ce grand mois au chevet du lit de ma pauvre grande fille atteinte d’une fièvre typhoïde, & tu comprends par quels vilains moments j’ai passé ! Enfin depuis hier, elle est hors de danger. Cela n’était pas trop tôt ! Je commençais un peu à devenir fou.
Voilà pourquoi Mon brave ami, je ne t’ai pas écrit ce que je pensais de ton très beau livre les Récits de Nazareth. Je n’ai pas tout lu. Ce que j’en sais est d’un art exquis, d’une langue à la fois simple & pompeuse, somptueuse plutôt, comme les ornementations des retables du quinzieme siècle. Je vais achever ma lecture maintenant que ma pauvre cervelle a gagné un peu de repos, & je t’en écrirai longuement. Et surtout ne t’inquiète pas des opinions du Père Demolder. Si intelligent qu’il soit « ce n’est pas sa partie » comme disent les maçons. La plaquette « patronymique » est parue, je t’en envoie vingt exemplaires avec une liste de quelques noms de personnages à qui tu me ferais grand plaisir de l’adresser avec la rubrique : Hommage de l’auteur. Tu recevras tout cela Mardi
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sans faute.
Je te prie d’en envoyer un exemplaire à Zilken & un à Vittorio Peca. Donne-moi je t’en prie aussi l’adresse de ce dernier. Je croyais qu’il s’appelait « Pica » ?
Donc, à Mardi, Mon Cher Eugène,
As-tu reçu deux épreuves de Vernis mou par l’intermédiaire de Vos ?
Ma fille t’envoie toutes ses amitiés & tes remercîements pour l’envoi très gracieux des Récits de Nazareth qu’elle n’a pu lire non plus la pauvre ! Enfin ! voilà les mauvais jours loin de nous j’espère ! Et quand tu viendras nous voir au printemps elle sera sur pied, & nous irons ensemble en forêt de Fontainebleau.
Bons Compliments chez toi.