Numéro d'édition: 1628
Lettre de Félicien Rops à [Eugène Demolder]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Eugène Demolder
Lieu de rédaction
Corbeil-Essonnes, Demi-Lune
Date
1893/10/31
Commentaire de datation
D'après le contenu, cette lettre est liée à une autre missive adressée à Edmond Deman : inv. LEpr/132. – N° d’édition : 105.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6425/2
Collationnage
Autographe
Date de fin
1893/10/31
Cachet d'envoi
1893/10/31
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
31 octobre 1893
Demi-LuneEssonnes (Seine & Oise)
Mon Cher Eugène
je te remercie fort de m’avoir envoyé la date du dîner Eekhoud, ce qui m’a permis d’envoyer un télégramme qui m’unissait en pensée à ceux qui rendait hommage au talent si net si solide & si réellement national de notre ami. Moi aussi, j’ai bien des choses à te dire, & à répondre à tes demandes, & aussi il faut que je mette en ordre la collection que je te destine, & dans laquelle doivent entrer un tas de gravures qui n’ont pas grand mérite, mais qui avaient leur raison d’être à l’époque où je les faisais, & qui te serviront de jalons, pour l’étude que tu veux bien me consacrer. Je vais accumuler chez toi les documents. Ne te presse pas trop. Je voudrais que puisque tu veux bien la faire cette étude qu’elle fut longue, sans exagération de mon mérite, mais définitive. Je mettrai à ta disposition, un portrait que le bon graveur De Witte grave à l’instant d’après une photographie, faite pour une belle Madame, & qui je crois est plus ressemblante que celle envoyée déja.
Il faut que tu me rendes un petit service : tu connais Deman, il possède à ce qu’il paraît un dossier de lettres à moi adressées, et des lettres de moi, en assez grand nombre ; tout cela d’une grande intimité à ce qu’il paraît. Il doit y avoir là des lettres de ma
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facon à ce qu’il n’attribue pas à ces lettres une importance trop grande, qui le pousserait à tenter un léger chantage, car je ne le crois pas en affaires d’intérêt, d’une délicatesse outrée. Pour que tu sois bien au courant de ce que je lui dis, je copie dans la lettre que je lui écris, & qui partira en même temps que celle que je t’adresse, le passage qui a trait aux susdites lettres ; voici ce que je lui dis :
« Il ne me reste Mon Cher Monsieur Deman, qu’à vous demander le prix auquel vous vendriez ce dossier. Comme il m’est impossible d’aller à Bruxelles pour l’instant, mon ami Eugène Demolder pourrait en prendre connaissance, et me dire de quel caractère sont ces lettres. Je n’ai pas peur des secrets, parce que personne n’a jamais eu moins de secrets que moi. Ma vie avec ses faiblesses, ses tares, et ses vertus, (j’en ai quelques unes, peut être comme on a des fruits en cire que l’on ne mange pas, pour orner les desserts,) a toujours été vécue au grand jour. Je me suis beaucoup promené à travers mon temps, avec ou sans chemise, et quelque fois tout nu, sans me retourner, sachant que ce que les curieux, et surtout les curieuses pouvait voir, était de « bien portance » et d’aspect dont je n’avais pas à tirer honte. Et dans mes lettres comme dans mes dessins, j’ai toujours appelé, comme Boileau : un chat : un chat ! Ce qui est bien ! Je ne crains donc nullement les exhibitions et les indiscrétions épistolaires, et comme on ne peut les publier sans mon autorisation, ou celle de mes héritiers, les lettres qui « roulent » de moi me laissent indifférent. Elles me feraient peut être plaisir à relire pour respirer encore une bonne bouffée de jeunesse, et pour en supprimer les bêtises et les naïvetés qui doivent les émailler ; mais voilà tout ! Et encore ! Les bêtises de jeunesse sont intéressantes souvent, et les sagesses des âges murs, souvent aussi, ne
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les valent point. Puis je ne deviendrai jamais sage ! Je suis comme dans la Danse des Morts d’Holbein, l’artiste pour lequel la mort n’aura que des sourires & qu’elle aide pour descendre en la bière, de son bras commisérationeux. J’aime mieux cela & ce n’est guère la peine de m’induire en trop de raison. »
Tu es maintenant renseigné & tu vois d’ici la chose : Va voir ce que c’est je te prie, & écris moi un mot : 1. Place Boieldieu. Je suppose que le Deman ne te refusera pas de te montrer le dossier. Tu me diras ce que tu penses, & si cela vaut la peine de « payer ».
Autre chose encore : L’étude patronymique est à peu près prête. J’y ai dessiné deux petits croquis-devises : L’autruche avalant des cailloux avec l’inscription : Virtus Durissima coquit et l’autre la betterave avec sa grosse racine sous terre, et la devise : Dulcedo occulta; pour orner un peu la plaquette. – Il faudra que tu me pardonnes, d’avoir eu l’indiscrétion d’extraire d’une étude que le bon Liesse avait faite à mon endroit, quelques lignes, justes, quoique trop élogieuses en leur forme. C’est à propos de la création par moi – ma modestie m’autorise à le dire ! – du déshabillé moderne ou plutôt de la nudité « ornée » de notre époque : les bas & les gants noirs, les souliers mignons, les chapeaux etc qui à l’instant on été imités par tous les artistes qui dessinaient les femmes, timidement, alors ! – Cela date de 1874 vingt ans ! C’est la Pornocratès et les fameux : Cent croquis pour réjouir les honnêtes gens dont naguère à la Salle Drouot, à la vente
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Noilly,
À Bientôt mon Cher Eugène, j’espère,
Au galop, ton ancien :
Fély
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1 feuillets, 4 pages, Vergé, Gris-vert?.
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
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KBR