Numéro d'édition: 1634
Lettre de Félicien Rops à [Jules Noilly]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Jules Noilly
Lieu de rédaction
Bruxelles
Date
1878/08/18
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
Amis/LI/006/LE/004
Collationnage
autographe
Lieu de conservation
Belgique, Province de Namur, musée Félicien Rops, Les Amis du Musée Félicien Rops
Page 1 Recto : 1
Bruxelles – 18 Aout 1878.
Monsieur
Je viens de recevoir vos nouveaux projets. Votre idée de mettre dans les Cent Croquis toutes les femmes de notre époque est heureuse & je la mettrai à exécution autant que je pourrai le faire. – Mais je vous l’ai dit : Impossible de mettre la moindre action positivement charnelle & sans fard, dans les Cent Croquis. Ce serait leur ôter tout leur caractère de demi-nu. Je vous ai dit mon idée : Faire dans les Cent Croquis tout le demi numoderne – Continuer ce demi nu dans l’Album du Diable en y joignant le nu – le costume moderne & refaire – comme j’ai refait la Tentation de St Antoine toute cette mythologie païenne si belle, si franchement nue & amoureuse, & que personnen’a jamais osé faire. J’y apporterai je crois un façon toute nouvelle de l’interpréter. Je la comprends comme Parny la comprenait dans la Guerre des Dieux.
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Votre Hommage au Dieu Pan y trouvera sa place mais est tout à fait déplacé dans les Cent Croquis
Voyez de quelle main retenue j’ai touché à l’Antiquité – dans les Cent Croquis, (La Foire aux Amours). C’est que je voulais rester dans la demi-teinte & dans le demi-nu.
Mêmes observations pour la Nouvelle Fashion « bonne en elle même » mais impossible parce qu’il y a une verdeur de pose incompatible avec le ton général de l’œuvre, & pour l’Idée Fantaisiste.
– Car remarquez que dans les Cent Croquis la légèreté & le demi-nu sont amenés naturellement & sans préméditation d’œuvre érotique.
– Plaisir d’Été sera fait dans les Cent Croquis.
Le Rêve de la Paysanne est fait et sans nous être consultés comme vous le demandiez ! C’est étonnant ! « Nue, dans une chambrette de paysan »
– J’envoie à Mme Lafève par l’entremise d’un Contrebandier
1° La perquisition : un officier de communeux entre chez : la sœur Supérieur qui s’écrie : –
Enfin ! les Communards ! des gens qui ne respectent rien !!!
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2° Le Confessionnal – en noir.
3° La Paysanne.
J’ai enlevé 2 croquis pour y mettre le Confessionnal & la Paysanne que je reporterai dans
l’Album du Diable car ils sont bien, je crois.
– Je crois que le Pesage ou la Balance conviennent mieux comme titre qu’une Conquête à Cythère.
Cela sera fort joli à faire & cela sera fait. Dans l’Album du Diable les dixains seront tous très variés car j’aurai fini « les Folies ». Il y en a un – représentant un « jeune homme » conduit par des amours, qui le mênent par des rubans attachés au phallus. C’est d’une note bien amusante. En dessous sur le bas relief un amour grave : « Troisième Dizain » et dessine des naïvetés comme en dessinent les gamins qui ignorent le dessin. C’est un de mes dessins les plus gais. –
Quand vous avez encore des « projets » faites les moi je vous prie parvenir toujours. Ceux qui ne serviront pas pour les Cent Croquis serviront pour l’Album du Diable & j’en ferai mon profit. Il est vrai que si nous ne nous arrangeons pas amiablement, ce qui m’étonnerait, car je vous fais des conditions spéciales, naturellement,
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puisque je mets en ligne de compte le plaisir de voir réunies des œuvres pour lesquelles j’ai une prédilection marquée, – vous perdrez vos projets.
– Je vous prierai même, si vous voyez un Belge, qui est chargé par un amateur de mes dessins de vous faire des propositions pour l’achat des Cent Croquis, de taire le prix auxquels Mme Lafève vous les a cédés. Madame Lafève avait fait avec moi une affaire de meubles & elle a eu besoin d’argent. Voilà le mot de l’affaire. Je ne fais jamais un croquis moins de deux cents francs. Je vous en engage ma parole. Et j’espère n’en faire jamais. Quant aux dessins finis comme plusieurs des Cent Croquis, ils se vendent trois cents francs chez les marchands & je les leur laisse à 250 frs. Mr Verharen – un artiste peintre, vient d’en acheter un de la dimension & du travail des Cent Croquis et il l’a payé 350 francs chez le marchand.
Je vous parle de toutes ces questions de boutique qui m’ennuie fort, afin de vous éclairer sur les prix, dans le cas (qui j’espère n’arrivera pas) où vous voudriez vous défaire de cette collection. Les grands dessins se vendent de 1,000 à 1,800 francs quand on les trouve. Les très
grands deux mille à 2,500. Mr l’avocat Picard demande trois mille francs de la Tentation de St Antoine. – Voilà les prix exacts. Et j’espère arriver plus loin car je tiens mes œuvres rares dans le commerce. J’ai horreur de la popularité, – cette « gloire en gros sous ».
Agréez toutes mes Civilités bien sincères & excusez moi je vous prie de vous écrire ainsi mais je suis excessivement préssé
Félicien Rops
L’amateur s’appelle Mr de Wavreghem, je prefère vous prévenir. c’est d’ailleurs un fort aimable garçon.
Détails
Support
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Dimensions
177 x 223 mm
Copyright
musée Félicien Rops (Province de Namur)