Numéro d'édition: 1694
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1889/10/03
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/23
Collationnage
Autographe
Date de fin
1889/10/03
Cachet d'envoi
1889/10/04
Cachet réception
1889/10/05
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris 3 oct. 1889
Mon Cher Monsieur Rasenfosse,
Excusez-moi de ne point vous avoir répondu immédiatement, mais je viens de revenir des bords de la mer, & j’en suis encore au déballage. – Merci de votre envoi & grand merci. Vos explications sont très claires & très nettes, & je les transcrirai dans ma petite plaquette sur le « vernis mou ». Merci aussi pour votre envoi de gravures. Comme je vous l’ai dit, je vous crois « doué ». Travaillez & vous êtes certain d’arriver à un brillant résultat.
Je trouve vos vernis-mous un peu « confus ». – Confus n’est pas l’expression, je veux vous exprimer qu’ils manquent de netteté dans le travail. Votre petite étude de « Danseuse au Repos » me plaît beaucoup. C’est d’un dessin compris, & d’une exécution franche. Votre blanchisseuse est d’une bonne intention, mais les tons manquent de fraîcheur, & alourdissent la planche. – Il est nécessaire que vous tâchiez de devenir : « plus propre » comme disent les anciens bourgeois. Le vernis exige une grande fraîcheur dans le ton, qui volontiers s’empâte & se brouillasse dans les noirs. Il ne faut pas que le vernis-mou lutte
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avec la manière noire ou l’aqua-Tinte ! Il doit surtout rendre un dessin. Et lorsqu’on l’utilise comme adjuvant de ces deux procédés c’est simplement pour « accentuer le dessin » ce qui est quelque fois difficile par la seule aquatinte ou par la manière noire simple. D’ailleurs, à moi, c’est mon défaut : l’allourdissement des planches, & je travaille à m’en débarasser !! Pour cela il n’y a qu’un moyen : ne laisser jamais qu’un seul noir dominer dans une planche.
J’adresserai un peu le même reproche aux planches de Mr de Baré. Évidemment ces planches sont bien attaquées, & ce jeune artiste a un sentiment très particulier des grands aspects de nature, mais l’exécution en est monotone & manque d’effort, & surtout de recherche. Il doit raffiner le ton, & ses eaux-fortes perdront de leur monotonie. Il a du talent & cela oblige à plus.
Je me suis trouvé à Knocke avec Albert Mockel, – garçon sympathique & talentueux. À propos : qu’est donc ce vernis-mou, ou plutôt ce vernis au pinceau avec lequel on peut retoucher les vernis-mous ? – Je n’en ai jamais entendu parler. – où donc achetez vous cela ? Veuillez vite m’en toucher un mot, je vous prie. Cela rentre dans mes « Desiderata » un vernis-mou à retoucher! L’Idéal serait un vernis-mou transparent, comme le vernis
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blanc des graveurs. Mais cela est difficile à trouver !
Je vous serre la main affectueusement en attendant vos renseignements sur « le vernis-mou à retoucher ».
Félicien Rops
P.S. Je relis ma lettre, & je trouve que je fais peut être un peu « le professeur là dedans ! N’oubliez pas ma vieille devise : on fait bien par tous les moyens !! Ce ne sont pas des préceptes que je vous adresse, ce sont des impressions personnelles, & n’y voyez autrechose, je vous prie. Je hais les doctrinaires vous le savez ! Et les précepteurs donc ! presqu’autant que les percepteurs !
Si un jour il vous plaisait de rechercher un vernis mou à retoucher je vous donnerais là dessus des notes sur la marche à suivre, & sur les matières résineuses à employer. Ces recherches sont d’ailleurs fort intéressantes. Dans une ville à chimistes et vous – propre neveu de Fleury, Ah ! il y a là quelque chose qui devrait vous tenter.
– Je vous écrirai longuement à ce propos si cette « tentative » vous disait ! Moi je suis maladroit pour ces machines là : Je me brûle, je renverse des potiquets de résine en flammes, –je flanque le feu à des maisons de 800,000 frs, et quand
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je faisais mes essais, les pompiers du quartier étaient prévenus, & mon propriétaire ne dormait plus ! Je n’ai pas de laboratoire – rien ! – Et cependant j’ai des formules !!! Enfin si vous vous embêtez pendant l’hiver tentez la chose vous ne vous ennuierez plus ! (– J’oubliais que vous étiez marié à une charmante femme, je demande pardon à Mme Rasenfosse de mes soupçons d’ennui pour son mari, cela ne doit pas être !)
Enfin si vous trouviez le vernis-mou blanc transparent, votre gloire serait célébrée par moi, dans de nombreux opuscules !
À bientôt.
Félicien Rops
J’ai été très heureux de voir de Witte qui m’a montré des photographies de très beaux
dessins dont nous avons causé longuement. J’espère que lui non plus n’a pas cru que je professais !! – de Witte a décidément beaucoup de talent ! Allons l’école liégeoise ira !
– Ah ! c’est que voyez vous, j’ai en horreur toutes les « Chermaîtrises » Je ne suis pas « un maître » mais un élève, « un compagnon » comme vous tous, & des plus ardents à la recherche de tout ! – C’est bon pour les vieux – la maîtrise ! Quand je serai vieux, je le verrai dans l’œil des femmes jeunes, & alors appelez moi : maître pour me consoler ! Je ne porte plus ma décoration, – cela me vieillit !!
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Lisse, Crème.
Dimensions
178 x 228 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR