Numéro d'édition: 1700
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1889/12/04
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/29
Collationnage
Autographe
Date de fin
1889/12/04
Cachet d'envoi
1889/12/05
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris 4 Déc 1889.
J’étais à Tours lorsque votre lettre & celle de monsieur Morreels sont arrivées à Paris. Le Vieux Balzac ne nous aurait pas pardonné de ne pas assister à l’inauguration de sa statue, et nous avons été lui dire un joyeux bonjour, et boire en son honneur quelques verres de Vieux Vouvray, – le Wallon se retrouve toujours !
Savez vous que vous êtes un rude chercheur & un rude trouveur ? – Je viens d’essayer votre nouveau vernis. En principe, je le trouve plus résistant que l’ancien, – peut être même trop résistant par les temps froids, mais cela n’est pas un mal. Je m’en défiais un peu à cause de son aspect noirâtre et je doutais de sa diaphaneité, après l’avoir mis au rouleau, je me suis aperçu qu’il était suffisamment transparent. Quant à sa résistante relativement aux premiers travaux il faut nous expliquer :
Dans le vernis-mou il n’est guère possible de faire ce que l’on peut faire à la pointe dans l’eau-forte : de recouvrir par des travaux nouveaux, une première morsure très forte sans que ces premiers travaux ne remordent. ainsi à la pointe, étant donné un premier état ainsi confectionné :
Croquis
je peux y passer en second état qui serait compris comme ceci :
Croquis
et si ma planche a été revernie fortement et avec soin, j’ai de grandes chances, pour que les tailles du premier état ne remordent pas à la deuxième morsure. (votre procédé au noir en tube et au bitume de Judée, pourrait dans ce cas trouver son application ici, et je compte même m’en servir à l’occasion.) lorsque j’aurai à la pointe, de fortes premières morsures à recouvrir.
mais dans le vernis mou, c’est « une autre paire de manches » comme on dit en Wallonie. Étant donné une première forte morsure :
Croquis
si je veux la renforcer par des travaux nouveaux et en faire un :
2e État :
Croquis
Il est de toute évidence que le tout remordera avec ensemble, & il n’y a guère de vernis à trouver pour empêcher cette remorsure-là ! Car dans le croquis d’évêque dont vous m’avez envoyé le 1er & le 2e État, je vous ferai observer que vous n’avez pas ajouté des travaux, sur les premières travaux, mais à coté. Les ornements de la dalmatique, etc, etc sont dans le 2e État dessinés sur les parties vierges de la planche. Et cela, je crois que vous eussiez pu l’obtenir avec le 1er vernis.
Je n’ai pas eu le temps de faire d’essai bien concluent : il faudrait obtenir ceci : étant donné un premier état comme celui de ci dessus, de pouvoir repasser au crayon un travail complémentaire, moins complet, mais qui cependant puisse ajouter à son énergie :
Ex :
2e État
Croquis
Sans que le premier travail ne remorde entre les coups de crayon du second travail. Car en principe : tout travail qui remord sans la volonté du graveur, donne d’affreux résultats. Cette remorsure est utile surtout pour les travaux faits en premier état avec un crayon mou, et dont on veut relever l’effet trop doux avec des tailles plus nerveuses, au crayon dur, – que l’on doit laisser mordre longtemps en 2e État, comme je l’ai indiqué ci-dessus pour renforcer le premier travail, vigoureusement.
Voici en résumé mes observations primesautières, sur le vernis mou transparent n°2. Diaphaneité suffisante. Grain – à ce qu’il me semble, après un premier essai moins « grenu » moins net, un peu plus baveux, que le vernis N°1. – Le grain de votre évèque n’est pas très bon, il a l’air d’avoir poissé sous le crayon. (Notez que je cherche « la petite bête » mais nous devons : chercher la petite bête, & devenir des dillettantes forcenés ; un beau vernis mou, doit avoir des grains & des travaux d’une grande variété, sans cela on tombe « dans le gros crayon ». – Enfin : Résistance évidemment supérieure à l’autre vernis. Notez que je me suis donné pour but de faire un art nouveau, à l’aide de l’aqua-tinte liquide, & du vieux vernis mou ancien : le vernis de Marvy & de Masson. mais ces deux artistes ont rarement fait des vernis mous purs, ils y ajoutaient du burin & de l’eau-forte, procédés qu’il ne faut employer que « fantaisement » ; – encore un adverbe que j’ajoute à la langue de mon temps, comme nous lui donnons « répandaison » Il faut bien pouvoir s’expliquer !
J’étudie de mon coté le « cautérium », parce que j’avais avec le vieux vernis mou, obtenu
Page 2 Recto : 4
en chauffant des effets d’estampe très réussis : voir la planche : aspiration. Le fond qui imite le fusain a été fait sur la planche chauffée. Je travaillais sur la boite en fer à imprimer, chauffée au gaz. Pour certains travaux je ne chauffais. Mais il faut se défier de la chaleur !! Je crois que c’est à cause de cette chaleur qui a détruit légèrement certains travaux, en les faisant fondre que le modelé du corps n’a pas été meilleur.
Je vais faire de nouveaux essais, en marge d’une vieille planche, dont je n’ai pas tiré d’épreuves & qui était piquée. Il y a déja en marge des essais d’aqua-tinte. Je vous enverrai une épreuve de cette antique saleté, qui aura le mérite de la rareté pour votre collection, & j’y ajouterai quelques épreuves pour grossir cette collection Rasenfosse.
Êtes vous content de votre vernis à recouvrir dit : Petit vernis. Ils deviennent très mauvais ici, ces vernis là. C’est encore une chose à trouver : un bon petit vernis pas trop solide pas trop liquide & qui sèche instantanément. Ce que l’on perd de temps à attendre que les « recouvertures » sèchent ! Et ce que j’ai perdu de planches en mettant l’acide sur des recouvertures non sèches !
Vous m’en avez envoyé une formule, il est bon mais il ne sèche pas assez vite !! Le vernis de Varré que j’emploie ne sèche plus !! C’est insupportable !
Grand merci de vos boules variées. Elles me servent admirablement.
À bientôt Mon Cher Monsieur Rasenfosse. Envoyez moi toujours vos essais, je vous rendrai la pareille.
F. Rops
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Crème.
Dimensions
175 x 225 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR