Numéro d'édition: 1709
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
[Paris]
Date
1890/01/19
Commentaire de datation
Datation sur base de l'apostille et du cachet postal d'envoi. À noter que le 19 janvier tombe bien un dimanche en 1890.
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/38
Collationnage
Autographe
Date de fin
1890/01/19
Cachet d'envoi
1890/01/19
Cachet réception
1890/01/20
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Apostille
19 Janv. 1890
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19 Dimanche, soir
2e Lettre
Mon Cher Monsieur Rasenfosse,
comme je vous l’ai dit tout à l’heure vous me feriez grand plaisir en faisant sur ce vernis, pendant cette semaine, si vous le pouvez, des essais concluents, sur le vernis 5. Je le crois très résistant, cependant sous le perchlorure de fer, il a laissé un peu piquer, – je ne dis pas « repiquer » ; – maintenant, ce sont peut être des poussières, car il en avait beaucoup sur la planche, à croire qu’elles se trouvaient dans le vernis ! – Vous me feriez donc grand plaisir (car tout mon temps sera pris par une aquarelle assez importante qui doit être faite en six jours,) une série variée d’essais de ce vernis N°5. sur sa résistance soit en le mettant assez mince, soit avec des acides différents. Car il ne faut pas oublier que les deux acides, les plus commodes, (et ici je suis sur mon terrain,) pour le vernis mou blanc, sont l’acide au perchlorure de fer & l’acide Chlorhidrique, d’après ma formule ; car tous les deux donnent des morsures positives que l’on peut voir à travers les calques aux reprises, et ces acides sont mêmes indispensables. Il est inutile d’essayer l’acide chlorhidrique, cela marche très lentement mais à coup sur. On peut le mettre sur des vernis légers. – L’acide chromique aussi. Ne pas mépriser le Chromique !! Il donne de grands gris avec l’échoppe. L’échoppe est un instrument injustement abandonné, c’est une lame à biseau, plate*
Croquis
qui enlève de grandes traines de vernis, et le travail de cet instrument est assez difficile à faire mordre. Le perchlorure de fer au contraire donne une morsure noire, petits & gros traits ; & les molécules du cuivre sont attaqué d’une autre façon. Car comme vous j’ai poussé la recherche « de la
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petite bête » jusqu’au microscope, mais seulement pour les acides. J’ai acquis une assez curieuse habilité mordicante surtout comme mordicant-vernis mousseur, et cela par l’emploi des différents acides. Je commence toujours par l’acide chromique. C’est l’acide qui possède le mieux la propriété de « nettoyer le travail immédiatement. Dans le vernis mou surtout, il reste souvent entre le crayon & le Cuivre, des molécules de graisse qui résistent à l’acide, et font le travail inégal. L’acide chromique, malgré sa grande sagesse & sa tranquillité, lave tout cela, de plus, il n’est pas brutal & donne des gris encore plus exquis, que l’acide chlorhydrique. Je continue, si je n’ai pas le temps la morsure au perchlorure, mais je la termine toujours par l’acide azotique si j’ai besoin de pétillant & de morsures brillantes. Si j’ai le temps j’emploie au lieu de perchlorure, le Chlorhydrique, mais je termine aussi par l’azotique, car le chlorhydrique et le perchlorure ne donnent que des morsures veloutées. Du reste cela dépend des sujets & de ce que l’on veut faire, naturellement.
Il faut donc recommencer avec le N°5, l’excellent essai que vous avez fait avec le n°4. sur zinc ou sur cuivre, là cela importe peu : une morsure progressive par états, avec perchlorure & acide azotique. L’azotique à 20%. Remarquez bien les épaisseurs de votre vernis et si à une certaine épaisseur : l’estompe opère. Car pour les modelés de chairs l’estompe est presqu’indispensable aussi ! Somme toute, ce qui fait que le vernis N°5 est supérieur au N°4 : c’est pa
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Il faut que le Vernis mou nouveau que nous cherchons à mettre en lumière, – pour nous ; – soit une lithographie sur cuivre, sans plus de tripotages que la lithographie ordinaire, mais ayant en plus que la lithographie, deux avantages : le nombre illimité, si l’on veut, des tirages, et le coté relief des morsures. La lithographie est toujours plate quoi qu’on fasse ! – Au vernis mou nouveau, nous devons pouvoir faire de grandes planches, sans plus de peine & avec autant de simplicité de moyens que si nous dessinions sur pierre ; donc (Ne perdons pascelade vue,surtout ! Il nous faut un résultat, pratique idéalement, avant tout ! – Je vous enverrai, dès que je pourrai mettre la main sur Nys, des épreuves des deux petits essais que j’ai faits avec le 4 & le 5. peu de chose d’ailleurs. Je ne fais pas tirer ces petits essais insignifiants, que lorsque je fais d’autres tirages, parce que mon habitude des morsures, me permet de juger d’une morsure, – à l’angle & à la vue, comme si j’avais une épreuve, mais comme cela peut vous intéresser, je n’oublirai pas de vous les envoyer.
J’attendrai donc les résultats de vos essais de cette semaine avant de continuer mon médecin des fièvres dont je vous enverrai demain le premier état, avec quelques autres épreuves, & parmi celles-là la Maturité dont je vous ai parlé, avec le petit croquis de vernis mou blanc qui était encore meilleur que le vernis de l’avocat, quoiqu’un peu moins fin. (ce vernis était composé comme le vernis de l’avocat mais il arrivait dans la morsure moins vite au cuivre. Regardez du reste le grain du manteau, à l’estompe ordinaire, & le grain du chapeau qui est le même que celui qui est en marge. Je ne vous parle pas du grain des chairs de la poitrine & de la tête, car sur les traits il y a eu un grain très léger d’aqua-tinte. (mais pas sur la griffe qui tient le miroir !) Car, axiome : « on peut obtenir avec le grain le plus fin si ce grain est d’une grande solidité, et s’il est bien posé, un grain aussi gros que celui que l’on obtient avec le N°5 par exemple, si l’on emploie soit
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des papiers de grains différents, soit des crayons de différents nos.
Autre axiome !! :
Il y aura toujours avantage à obtenir un vernis unique, d’un grain plutôt fin, sensible à l’estompe, solide aux remorsures que chercher deux vernis. Ça c’est la sagesse c’est le désideratum ! Parce que on fixerait tout bonnement un calque à grain sur sa planche & l’on dessinerait jusqu’à parfaitement achèvement reports etc c comme sur une pierre ! toujours en revenir là !
Les différences de travaux s’obtiendraient par les différences de crayons en ce cas. Voilà encore une forte lettre ! Mon expérience & mes nombreux ratages » m’autorisent à vous faire accepter les fruits amers de mes travaux ! – J’ai assez bavardé depuis dix jours ! J’attendrai maintenant vos épreuves. Car je peux en être trompé sur le n°5 ! ayant travaillé, par crainte des remorsures sur du n°5 à ce que je crois : un peu épais, car il ne donnait à l’estompe qu’un fort mauvais résultat. Or : l’estompe est la pierre de touche de la finesse du bon grain & de sa sensibilité. Trop sensible il s’enlève à l’estompe, s’il est « juste » il donne un bon travail, comme vous avez eu avec le n°4 au 2e État de vos essais (quoique le grain en paraissait un peu trop gros) mais cela n’était pas mal du tout en somme, et si le n°6 donnait ce résultat ce serait parfait déja.
À bientôt, et bons résultats ! Cela ne va pas mal ce me semble !
Bons Compliments
F.R
N. B Donc nous cherchons la lithographie sur cuivre : l’aquafortographie) et non pas la gravure à l’eau forte ! C’est entendu. Bannissons tout procédé non rapide.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Blanc.
Dimensions
209 x 267 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir. En-tête: Duluc / Robes et Manteaux.
Copyright
KBR