Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]

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Mais vous avez eu parfaitement raison de me dire ce que vous pensiez à propos du Guérisseur de fièvres ! Seulement si cela avait été une photogravure, je vous l’aurais dit tout simplement, comme je l’ai dit, et il y avait à s’y méprendre, pour les masques modernes. Mais votre observation me fait voir qu’il faut changer mon fusil d’épaule & procéder différamment pour mes aqua-tintes relevées de vernis-mous. J’attribue cela à la morsure qui est la même que celle des photogravures. C’est un très habile patricien en photogravure & en aqua-tinte Mr Mante qui demeure rue d’Orient à Paris qui m’a fait édifier ma boîte à aqua-tinte & m’a aussi fait modifier ma première manière pour n’employer que l’acide chromique qui permet de poser des grains légers comme des vapeurs. Or l’acide chromique est le seul qui respecte le vernis des photograveurs. Et somme toute si l’on emploie l’acide chromique on fait avec l’aqua tinte de la photogravure sans photogravure. Le vernis n’est pas sensibilisé, voilà tout ! – Mais ce que vous n’avez pas remarqué c’est que le dessin du Guérisseur de fièvres ne ressemble pas du tout à l’aquarelle exposée aux XX. Cette planche a été faite d’apres un décalque au trait, reporté au crayon sur papier blanc, plein de bavures d’estompe & de crayonnages faits après le décalque et reporté photographiquement sur cuivre par Mante. De ces crayonnages il n’est rien resté après la première morsure, mais j’ai une épreuve tirée du trait, Elle est fort curieuse, il n’y a pas de ciel. La planche a été ébauchée – ébauche ratée d’ailleurs avec toutes sortes de choses : Le ciel est de l’aquatinte liquide. Les feuilles & les taches du

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du tronc avec un mordant sec (soufre huile & acétate de cuivre posé au pinceau.) J’ai employé surtout la roulette à travers le papier sur Ropsenfosse après que la première aqua tinte avec laquelle est faite la redingote, & en plus le pantalon & le gilet. Le chapeau est de l’aqua-tinte (boite à grain) plus fort et en outre remordue au rouleau comme également : le bras allongé sur la tête de l’enfant et le gilet, coté gauche, roulés mais sur grain plus fin. (On peut voir sur le bord du chapeau en regardant bien le trait primitif photogravé que j’avais accentué à la roulette plate pour le voir à travers le Ropsenfosse. Les pieds de l’enfant, la figure du vieux, la main de l’enfant sont des aqua-tintes au Rouget retravaillées à l’ébarboir et modelés avec le brunissoir. Les pieds de l’enfant surtout ont été de noirs qu’ils étaient ramenés au blond par le brunissoir. Il y a de la roulette sur papier & sur cuivre nu un peu partout car partout la planche était « trouée » Le vêtement de l’enfant est surtout raté. C’est du Ropsenfosse arrangé d’après la formule de Mr Morreels, seulement au lieu de benzine de houille, il avait été dissous dans l’essence de thérebentine. Un premier essai sur un cuivre de travail avait réussi, je me suis lancé, et cela m’a donné l’affreux travail, fait avec un crayon Faber mi-dur, que vous voyez sans compter qu’une application d’aqua-tinte liquide posé sur les fonds avait « cerné » les bords du petit vernis protecteur. Comme je vous le dis, – il y a de tout ! et cela a été raté dès le début ! Avec le n°5 et du travail, je pourrai peut être remettre la planche sur pattes, mais il me faudra « un travail » du diable !! Et puis il faut être bien disposé ! J’effacerai le ciel où l’aqua-tinte liquide a fait des zébrures. Malheureusement l’aquarelle primitive est en Amérique ! – Quand je serai riche, je tâcherai de la racheter.

Voilà une cuisine !! Trop de cuisine !!! Il faut ne pas tant mêler les procédés, mais je voulais précisément faire une olla-podrida et en voir les résultats ! – J’ai travaillé quinze jours sur cette saleté : brunissant, roulant, grattant réappliquant des grains, du vernis, un supplice compliqué ! –

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Je vous remercie beaucoup Mon Cher Monsieur Rasenfosse du beau rouleau de papier que vous m’avez envoyé. Puisque vous avez un ami au Japon vous me feriez grand plaisir si vous vouliez bien lui demander : si je pourrais me procurer au Japon du papier comme l’échantillon ci-contre, mais en vraiJapon. Celui ci qui est du faux japon se déchire et n’est pas bon, mais il me le faut aussi léger. Quant à l’échelle j’accepte avec plaisir, et je vous enverrai les mesures. Je crois que c’est trois mêtres y compris l’inclinaison.

Il faudra que vous me disiez par écrit quelles sont les épreuves qui ont été envoyées, depuis la liste que j’ai reçue. Afin de ne pas faire double emploi avec celles que je vous enverrai. prochainement. Dorénavant j’en prendrai note.

– Je vais à Bruxelles pour deux ou trois jours, j’y serai Mercredi dans l’après-midi : Hôtel Royal Boulevard du Hainaut. S’il n’y avait pas place à cet hôtel, je laisserais mon adresse, dans le cas où vous feriez le voyage pour l’Exposition des XX, que vous irez voir probablement.

Mes Compliments à Mr Morreels & à notre ami Dewitte s.v.p.

Quand vous obtiendrez de nouveaux résultats, envoyez moi des épreuves je vous prie et tenez moi au courant de vos perséverants efforts.

Votre japon jaune mince reçoit très bien l’estompe sur n°5, et peut rendre de réels services. En définitive comme je vous le disais employé avec adresse le n°5 donne et peut donner des résultats excellents. Il ne remord que lorsqu’on le met trop léger. Il faut le connaître.