Numéro d'édition: 1753
Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]
Texte copié
Expéditeur
Félicien Rops
Destinataire
Armand Rassenfosse
Lieu de rédaction
Paris
Date
1892/01/09
Type de document
Lettre
N° d'inventaire
II/6957/19/82
Collationnage
Autographe
Date de fin
1892/01/09
Lieu de conservation
Belgique, Bruxelles, Bibliothèque royale de Belgique, Cabinet des Manuscrits
Page 1 Recto : 1
Paris 9 Janvier 1892
Mon Cher Rasenfosse,
Je vous remercie de vos envois qui m’ont vivement intéressé. Effectivement, votre N°5 nouveau (voulez vous que nous l’appelions : N°7 ou n°8 ?) me semble donner un très bon résultat. La femme dont la tête est appuyée sur la main gauche, seule, sur un cuivre, a de jolies finesses & du caractère ; avez vous mis le grain léger d’aqua‑tinte, avant ou après le travail du crayon ? – Les deux personnages qui descendent de la mine sont aussi finement executés. C’est un progrès que ce grain vraiment, et en attendant « l’autre », avec l’ancien 5 nous pourrons déja travailler !
– On m’a parlé d’un nouveau vernis anglais, liquide, & transparent. Je vais vous en envoyer dès que j’en aurai ; en le modifiant avec vos derniers ingrédients, peut être pourrait‑on faire quelque chose, – me semble‑t‑il.
Le vernis de la planche de l’avocat était solide, autant que je me le rappelle. Je n’ai pu le faire qu’une fois !!! Cependant je n’ai pas fait de retouches sérieuses avec ce vernis, & je ne peux guère assurer sa solidité. Il y entrait : du vernis blanc à retoucher de Lamour, de la liqueur à mater, (cire dissoute par Durozier,), un peu de glycérine, du vernis‑Copal à l’essence de Durozier, et puis je ne sais plus quoi ! du vernis blanc en boule « écrépé » comme on dit à Namur, et dissous dans la thérébentine, un peu de couleur à l’huile blanche (blanc de zinc,) une cuisine enfin !! mais je n’avais pas une proportion, ni
Page 1 Verso : 2
les quantités des matières employées.
Voulez vous m’envoyer une feuille du velin que vous employez ? il me paraît avantageux, & je voudrais savoir où je peux m’en procurer. avec une feuille, je trouverai cela. Tout se trouve ici, en cherchant bien.
Elle est gentille cette petite planche pour Pincebourde. Ne la lui donnez pas pour rien au moins !
L’état sans marges, avec les deux amoureux qui s’embrassent simplement me plaît mieux que le dernier, (je ne parle pas des croquis, je parle du sujet principal. Le ciel, les bras de la femme, tout cela était plus éclairé. Le dernier est plus dramatique, cela dépend de ce que vous vouliez faire il est vrai. Remarquez que les Noirs du vêtement du bonhomme & de la femme aussi, sont éteints par l’aqua‑tinte. J’ai beaucoup pratiqué « la boite » pour les Diaboliques, et pour bien des planches, – mise audessus & en dessous du travail. Ce grain était mis « à la boîte » et je lui dois toutes ces planches sourdes ! Examinez bien votre planche, elle avait plus de ton & plus de fraîcheur surtout, on ne distingue plus la jupe de la femme après ce grain étouffeur.
– voici comment je mets le N°5 nouveau : Je prends un pinceau, je le trempe dans le vernis, je vernis la planche, puis je roule, je chauffe jusqu’à « fondaison » du vernis, je fais refroidir et voilà ! mon vernis une fois refroidi est irrégulier et a des taches mates & d’autres brillantes. Je vais encore essayer, mais ce que j’en obtiens n’est pas régulier, & je dois m’y prendre mal ! Je me suis remis au Ropsenfosse. Bon vernis et bon grain, mais susceptible en diable ! si on l’effleure, il mord sous l’acide, donc
Page 1 Verso : 3
il est bon de le travailler très adroitement, & très habilement même, avec plusieurs crayons. on peut faire une planche du premier coup ! mais il ne faut pas avoir une minute d’inatention et bien savoir ce que l’on fait. Il rappelle l’ancien vernis mou ordinaire, comme grain, mais ce grain est relevé par lui‑même, tandis que dans l’ancien vernis mou ordinaire c’est le papier qui faisait le grain que l’on voulait. Je vous enverrai le croquis que je viens de faire avec le Ropsenfosse d’après un croquis au crayon fait à Tuggurth au fond du Sahara en 1888. Je joindrai le dessin de cette Saharienne, car c’est une Saharienne, aux dessins que j’enverrai, – et sans faute cette fois à Mme Henrard par votre entremise. Ce n’est pas un croquis comme je le qualifiais tout à l’heure, mais un dessin très fait, & d’un convenable !
Quant aux Sataniques, elles sont là dans leur carton, vos épreuves, Mon Cher Rasenfosse, et fin Janvier je vous promets qu’elles partiront pour Liége ; & ce me sera un vrai plaisir de les savoir chez vous en belle garde, car j’ai déja dû les défendre des enlevages de plus d’un de ces farfouilleurs de cartons, dont mon atelier est bondé le Jeudi, & qui aiment trop les pièces rares.
– Le terrible malheur arrivé à notre pauvre Guy de Maupassant me navre. C’est une série à la Noire qui continue. J’espère que cela va bientôt finir ! Ah la folie ! C’est là notre ennemie, à nous tous ici, les amoureux de la Chimère ! – Enfin ! j’espère encore en la guérison de Maupassant. C’était, c’est un homme, et un véritable artiste, & peut être en reviendra‑t‑il. Je l’espère de toute l’amitié que je lui porte. Pourrez vous lire ce gribouillis ? J’écris sans
Page 1 Recto : 4
oser me relire avec une plume qui ressemble à une charrue, et avec un mal de tête qui depuis ce matin résiste à toutes les antipyrines de la Pharmacie Normale. Comprenez si vous pouvez !
Vous gardez toujours le secret de vos « trouvailles » n’est ce pas ? N’oubliez pas ce que je vous ai dit : Un procédé dont tout le monde peut se servir perd la moitié de son charme & de sa valeur pour le public & pour l’amateur surtout, celui sur lequel nous devons compter.
Je vous serre affectueusement la main & à bientôt de vos nouvelles j’espère
Félicien Rops
Ce vernis était liquide & je le mettais au pinceau.
Détails
Support
1 feuillets, 4 pages, Vergé, Gris-vert?.
Dimensions
175 x 223 mm
Mise en page
Écrite en Plume Noir.
Copyright
KBR