Lettre de Félicien Rops à [Armand Rassenfosse]

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j’ai reçu avec plaisir vos trois papiers, et je les ai essayés, à l’instant, sur vernis. Très vite ! donc le jugement n’est pas définitif !

N°1° Japon : assez « brouillé », me parait inutile à conserver, cependant comme « préparation à certains travaux, il peut être utile, si l’on veut.

N°2 Vélin mince. Le meilleur des trois, il faut peu de chose pour qu’il soit parfait : un peu plus de finesse.

N°3 Bon grain, pour choses énergiques, & d’une certaine dimension. Il pourra certainement servir, car le grain est beau.

Je n’ai pas fait mordre. Je n’avais pas le temps non plus ! Il faut que j’achève mon Zadig !! J’en suis à la sixième planche seulement.

– Voici un grand Desideratum que vous avez fait lever ! :

Avoir un calque grainé assez transparent pour faire de la retouche ! * * Il faudrait le passer avant à l’Éclaircisseur cela aiderait à la Transparance. Moreels. Ce serait un véritable idéal.

– Car notez qu’un grain très fin, même excessivement fin comme celui de « l’avocat » n’empêche pas, – par la tendreté des différents crayons qui donnent des grains de différentes grosseurs, de pouvoir obtenir des gros grains si l’on veut ! Car en vrai

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principe, il vaut mieux, dans le but de facilité & de rapidité dans l’éxécution que nous poursuivons, faire tout sur une même feuille de papier ; et nous y arriverons ! – Il y a six ans au temps où j’ai fait beaucoup de vernis mous, & d’aqua-tinte, j’ai beaucoup « joué des papiers »

Je découpais dans le papier à grain dont je me servais : (du gros papier serpente du commerce,) des ouvertures rondes à la place des têtes et j’y collais aux bords de l’ouverture, très délicatement, des papiers végétals, ou des serpente fins ; avec quelques coups de pointe sèche à la place des sutures, on ne voyait pas la différence des niveaux, et l’on attribuait à la différence des crayons, la finesse des tetes et des mains, dessinées sur le végétal. Et je n’avais qu’un seul papier ! ce qui était très important, car lorsque l’on entre dans les points de repère !! * * J’ai fait un frontispice pour Péladan avec trois papiers collés sur trous sur la même feuille. – Quand je regarde par hasard une collection de moi, il se passe ce phénomène étonnant : c’est que je ne sais plus comment la plupart des planches ont été faites !!! et il me faut quelque fois rappeler mes souvenirs pendant une heure pour y arriver ! –

Il faut voir, je le dis sans fausse modestaillerie quels vernis-mous on faisait avant moi !! Franchement j’ai créé un art charmant qui n’existait pas. Quand j’écrirai – : Les Mémoires pour nuire à l’histoire de mon temps » je

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raconterai tout cela, et je rendrai à mon élève et ami Armand Rassenfosse de Liége, & à Courboin la part qui leur revient, à vous surtout : Cuique suum !

Croyez moi : la renaissance de la Lithographie (– quoique je ne m’y refuse pas, loin de là ! –) ne durera pas ! Les sots et les ignorants si nombreux en art ont trop facile à l’emploi de ce procédé. Les pierres s’écrouleront, et les cuivres gravés rayonneront au dessus de tous ces moëllons, éternellement. C’est que ne fait pas qui veut du vernis mou ! Nous en savons quelquechose ! Mais nous allons arriver à en faire comme l’on dessine sur papier. C’est là le vrai but. Avec du travail et de la Discrétion, nous deviendrons des maîtres en « l’art d’engraver » « en imitation de crayon ». Allons, Courage !, et n’oubliez pas vos essais. S’il y a des feuilles plus grandes, ce que je désirerais avoir, pliez les pour les faire entrer sous vos grandes enveloppes.

J’attends les calques avec une impatience que vous comprendrez facilement. Je crois je le répète que le Transparent Morreels pourrait jouer un rôle là dedans.

Je vous envoie un Japon que je viens de découvrir qu’on n’emploie que pour faire ici « des fumés » pour les graveurs sur bois. Avec du Morreels il devient d’une extrême translucidité, ou enduit de vernis Schoënée.