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17 juillet 1894.
Mon Cher ami,
Je ne partirai très probablement que Samedi pour la Belgique. Je serai Dimanche prochain à l’hotel du Grand miroir rue de la Montagne.
– Si je changeais d’hôtel ou s’il n’y avait pas de place, tu trouverais à la poste restante une lettre te disant où je perche.
J’ai eu un tas d’embêtements, ce qui a nécessité la lettre demandée, – qui a dû t’intriguer fortement ! Je te raconterai tout cela par le menu, & tu verras comme c’est drôle. Mais cela a failli n’être « pas drôle » du tout ! du tout !!
Enfin ! tout cela va s’arranger & j’espère commencer une bonne année en novembre, et abattre de la besogne de façon à rattraper cette année perdue par tous les hasards et les malencontres que la vie vous tient en réserve.
Cette dernière histoire mettrait le comble à une sénile fatuité, si je ne connaissais le facile entrainement dont sont capables les pubertes fin de siècle. Heureusement, j’ai renouvelé
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l’histoire de Joseph & de son héroïque manteau ! Il le fallait !!
Pas mal du tout ta planche pour les aquafortistes. L’autre : les petites études, prouve que l’on peut tout faire avec le délicieux vernis à couvrir « electric ». – À propos, veux-tu me dire où l’on s’abonne aux catalogues de la maison Guillaume dont tu m’as parlé ? Les dessins de Marold et des Tutti quanti de la même farine ne sont pas montés très cher. Cela ne dit rien aux gens épris d’œuvres d’art sérieuses. Il y a là dedans un fond « de blague », et cela se sent.
J’ai vu aussi les réductions faites d’après tes dessins pour Ramiro. Je trouve cela très « ce qu’il faut ».
À bientôt mon Vieux Rassenfosse & à Dimanche.
F. Rops
Où cela a-t-il lieu l’affaire de Coster ? Le sais-tu ? À quelle heure ? Ces gens là ne vous disent rien !
Commentaire de collaboration
L'hôtel du Grand miroir est un bâtiment aujourd'hui disparu. Au 18eme siècle, l'endroit s'appelle déjà Hôtel du Miroir. Au milieu du 19eme, il compte 40 chambres et même 70 à la veille du 20eme : c'est alors le plus grand hôtel de Bruxelles. Lieu prestigieux, il accueillit notamment Charles Baudelaire, hôte embarrassant à plus d'un titre, qui y séjourna de 1864 à 1866. On peut également citer Colette avec Missy en 1906 (Jeanne Augier, Colette et la Belgique, Racine et Académie royale de langue et de littérature françaises, 2004) à l'occasion de sa prestation dans Pan au Théâtre royal du Parc.
L’hôtel a fermé dans les années 1920 (ou au lendemain de la guerre, les sources divergent à ce sujet), ayant perdu son lustre et sa renommée. Sa propriétaire refusant ensuite de le vendre, elle le morcela et le bâtiment fut ainsi occupé par une dizaines de sociétés. Il sera finalement détruit en 1960. (voir "Petite histoire de l'Hôtel du Grand Miroir", Revue du Cercle d'Histoire de Bruxelles et extensions, 28eme année, n° 112, 2011, p. 20-23)